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mais un exemple de patience. Ainsi il a guéri tes blessures, là où les siennes l’ont fait longtemps souffrir ; il t’a guéri des atteintes de la mort éternelle, là où il a daigné mourir de la mort du temps. Est-ce lui qui est mort, ou bien est-ce la mort qui est morte en lui ? Quelle mort que celle qui a tué la mort ?
4. Mais était-ce bien Notre-Seigneur Jésus-Christ tout entier que l’on voyait, dont on s’emparait, que l’on crucifiait ? Était-ce bien lui tout entier ? Oui, certainement, mais non pas tel que le voyaient les Juifs, car ce qu’ils voyaient n’était pas le Christ dans tout son entier. Qu’était-ce donc encore que le Christ ? « Au commencement était le Verbe ». Quel commencement ? « Dieu en qui était le Verbe ». Et quel Verbe ? « Le Verbe était Dieu ». Le Verbe aurait-il été fait par Dieu ? Non. Car « au commencement il était en Dieu ». Hé quoi ! les autres choses que Dieu a faites ne sont-elles pas semblables au Verbe ? Non, car « toutes choses ont été faites par lui, et sans lui rien n’a été fait ». Comment toutes choses ont-elles été faites par lui ? Parce que « ce qui a été fait, était vie en lui », et avant que cela fût fait, c’était la vie. Ce qui a été fait n’est pas vie, mais dans le plan, c’est-à-dire dans la sagesse de Dieu, avant d’avoir été fait, cela était la vie. Ce qui a été fait passe, ce qui est dans la sagesse de Dieu ne peut passer. Ce qui a été fait était vie en lui. Quelle était cette vie ? Comme l’âme est la vie du corps, notre corps a sa vie propre ; dès qu’elle se sépare de lui, il meurt. La vie dont nous parlons était-elle pareille à celle-là ? Non. « Mais la vie était la lumière des hommes ». Était-elle aussi la lumière des bêtes ? Cette lumière qui nous éclaire est tout à la fois la lumière des bêtes et celle des hommes. Il y a une lumière propre aux hommes, voyons ce qui distingue les hommes des bêles et alors nous comprendrons quelle est cette lumière des hommes. Tu ne diffères des bêtes que par l’intelligence, car pour tout le reste tu n’as pas sujet de te préférer à elles. Tu as confiance en tes forces ? Les bêtes sont plus fortes que toi. Ton agilité t’enorgueillit ? Les monstres sont plus agiles. Tu te vantes de ta beauté ? Quelle beauté dans les plumes du paon. En quoi leur es-tu supérieur ? En ce que tu es fait à l’image de Dieu. Où est cette image de Dieu ? Dans ton esprit, dans ton intelligence. Si donc tu vaux mieux que la bête, c’est parce que tu es doué d’un esprit capable de comprendre ce que les bêtes ne peuvent saisir. Tu es homme, parce que tu es supérieur aux animaux. La lumière des hommes est donc la lumière des esprits. La lumière des âmes est au-dessus d’elles et les surpasse toutes. C’était là la vie par laquelle toutes choses ont été faites.
5. Où était-elle ? Était-elle ici ? Ou bien était-elle dans le Père, sans être ici ? Ou, ce qui est plus exact, était-elle ici ou dans le Père ? Si elle était ici, pourquoi ne la voyait-on pas ? Parce que « la lumière luit dans les ténèbres, et que les ténèbres ne l’ont point comprise ». O hommes ne soyez pas ténèbres, ne soyez pas infidèles, injustes, ennemis de l’équité, ravisseurs, avares, amateurs du siècle ; être tels, c’est être ténèbres. La lumière n’est pas absente, mais c’est vous qui êtes absents par rapport à la lumière. Le soleil est présent pour l’aveugle sur qui tombent ses rayons ; mais l’aveugle est absent par rapport au soleil. Ne soyez donc pas ténèbres. Voilà en quoi consiste la grâce dont nous vous parlerons plus tard ; c’est que nous ne soyons plus ténèbres, et qu’à nous s’appliquent ces paroles de l’Apôtre : « Vous étiez autrefois ténèbres, mais maintenant vous êtes lumière dans le Seigneur [1] ». Cependant, comme on ne voyait pas la lumière des hommes, c’est-à-dire la lumière des esprits, il fallait qu’un homme lui rendît témoignage, et pour cela, il était nécessaire qu’il fût, non point plongé encore dans les ténèbres, mais déjà enveloppé des rayons de la lumière. Toutefois, pour être brillant, il n’en était pas davantage la lumière même, « mais il était pour rendre témoignage de la lumière ». Car « il n’était pas la lumière ». Et quelle était cette lumière ? « C’était la lumière véritable qui éclaire tout u homme venant en ce monde ». Et où était-elle ? « Elle était en ce monde ». Et comment « était-elle dans le monde ? » Cette lumière était-elle dans ce monde comme y est la lumière du soleil, de la lune, des lampes ? Non, car « le monde a été fait par lui, et le monde « ne l’a pas connu o, c’est-à-dire : « La lumière luit dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont point comprise ». En effet, le monde est ténèbres, parce que les amateurs du monde c’est lui. La créature n’a-t-elle pas reconnu

  1. Eph. 5, 8