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par la grâce de Dieu [1] ». Et encore : « Héritiers de Dieu, cohéritiers de Jésus-Christ[2] ». Il n’a pas craint d’avoir des cohéritiers ; car le grand nombre de ceux qui possèdent son héritage, ne peut en amoindrir la valeur ; il y a plus : ses cohéritiers deviennent son bien et son héritage, et lui-même il devient leur héritage à son tour. Écoute, voici comment ils deviennent son héritage. « Le Seigneur m’a dit : Tu es mon fils, je t’ai engendré aujourd’hui. Demande-moi, et je te donnerai les nations pour ton héritage[3] ». Mais lui, comment devient-il leur héritage ? Il est dit en un psaume : « Le Seigneur est la part de mon héritage et de mon calice[4] ». Puissions-nous le posséder, et puisse-t-il nous posséder nous-mêmes ? Qu’il nous possède comme étant Notre-Seigneur, possédons-le comme notre salut, possédons-le comme notre lumière. Qu’a-t-il donc donné à « ceux qui l’ont reçu ? » « À ceux qui croient en son nom, il leur a donné d’être enfants de Dieu », afin qu’ils se tiennent attachés au bois qui doit leur faire traverser la mer.
14. Et comment naissent-ils ? C’est en devenant enfants de Dieu et frères de Jésus-Christ qu’ils naissent, cela est évident. Si, en effet, ils ne naissaient pas, comment pourraient-ils être fils ? Les enfants des hommes naissent de la chair et du sang, par un effet de la volonté de l’homme et de l’usage de l’union conjugale. Pour eux, comment naissent-ils ? « Ceux qui ne sont pas nés du sang ». Il entend, par là, le sang de l’homme et de la femme. Sang au pluriel n’est pas latin, mais parce que ce mot est employé au pluriel dans le grec, l’interprète a préféré l’employer ainsi à son tour, et par une expression moins latine, au gré des grammairiens, mettre la vérité au niveau des intelligences des faibles. S’il eût dit sang au singulier, il n’eût pas expliqué ce qu’il voulait, car les hommes naissent du mélange des sangs de l’homme et de la femme. Disons-le donc aussi, sans craindre les férules des grammairiens, s’il nous est possible par là d’arriver à une connaissance de la vérité plus claire et plus solide. Celui qui comprend, condamne cette manière de parler ; sa facilité à saisir les choses le rend intraitable. « Ceux qui ne sont pas nés des sangs, ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de l’homme » : l’Évangéliste emploie le mot chair pour celui de femme ; car, lorsqu’elle fut formée de la côte d’Adam celui-ci s’écria : Voici l’os de mes os et la chair de ma chair [5] » ; et l’Apôtre a dit : « Celui qui aime sa femme s’aime lui-même, car personne ne hait sa propre chair [6] ». Ce mot chair est donc employé pour désigner la femme, de même que le mot esprit est quelquefois mis pour désigner le mari. Pourquoi ? Parce que l’esprit gouverne et que la chair est gouvernée, parce que l’un doit commander et l’autre obéir. En effet, où la chair commande, l’esprit obéit, c’est une maison en désordre. Y a-t-il rien de pire qu’une maison où la femme a le commandement sur l’homme ? Une maison bien ordonnée est celle où l’homme commande, et où la femme obéit ; ainsi, encore, l’homme n’est lui-même dans l’ordre, qu’autant que chez lui l’esprit est le maître, et que le corps est l’esclave.
15. « Ils ne sont donc pas nés de la volonté u de la chair, ni de la volonté de l’homme, mais de Dieu ». Pour que l’homme pût naître de Dieu, d’abord Dieu est né de l’homme. Car Jésus-Christ est Dieu, et Jésus-Christ est né de l’homme. À la vérité, il n’a cherché qu’une mère sur la terre, parce qu’il avait déjà un Père au ciel. Il est né de Dieu pour nous créer, et il est né de la femme pour nous refaire. Ne t’étonne pas, ô homme, de ce que tu deviens fils de Dieu par la grâce, de ce que tu nais de Dieu par son Verbe ; Le Verbe a voulu d’abord naître de l’homme, afin que tu fusses assuré de naître de Dieu, et que tu fusses à même de te dire à toi-même : Ce n’est pas sans motif que Dieu a voulu naître de l’homme, il faut qu’il m’ait jugé comme ayant quelque valeur, pour me rendre immortel, et pour, naître lui-même mortel à cause de moi. L’Évangéliste a donc dit : « Ils sont nés de Dieu » ; mais afin que nous ne soyons ni étonnés ni effrayés de cette grâce immense en vertu de laquelle ; chose presque incroyable ! des hommes sont devenus enfants de Dieu, il veut, en quelque sorte, te rassurer, et il ajoute : « Et le Verbe s’est fait chair, et il a habité parmi nous ». Pourquoi t’étonner que des hommes soient nés de Dieu ? Fais attention que Dieu lui-même est né de l’homme. « Et le Verbe s’est fait chair, et il a habité parmi nous ».
16. « Le Verbe s’étant donc fait chair, et

  1. Gal. 4, 7
  2. Rom. 8, 17
  3. Ps. 2, 7-8
  4. Id. 15, 5
  5. Gen. 2, 23
  6. Eph. 5, 28, 29