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l’aveu. De même qu’il y a présomption chez celui qui veut paraître ce qu’il n’est point, de même il confesse Dieu celui qui ne veut point usurper la place de Dieu, qui aime l’état où il se trouve. C’est pour cela que montent les Israélites, sans déguisement, parce qu’ils sont de véritables Israélites, et qu’en eux est le témoignage d’Israël. Ils s’élèvent « pour confesser votre nom, ô mon Dieu ».
9. « C’est là que sont assis les sièges pour le jugement[1] ». Etrange énigme ! étrange question, à moins de bien comprendre. On appelle ici des sièges ce que les Grecs appelleraient des trônes, et les Grecs appellent trônes des sièges d’honneur. Rien d’étonnant que des hommes soient assis sur des sièges, sur des chaises curules ; mais que les sièges eux-mêmes soient assis, comment pouvons-nous le comprendre ? Comme si l’on nous disait : « Qu’on fasse asseoir ici des chaises, ici des fauteuils. On s’assied sur une chaise, on s’assied dans un fauteuil, on s’assied dans une chaire, mais les sièges ne s’assoient point. Que signifie donc : « Là sont assis les sièges pour le jugement ? ». Vous entendez bien dire à Dieu : « Le ciel est mon trône, la terre l’escabeau de mes pieds[2] » ; ce qui est ainsi rendu en latin par Cœlum mihi sedes est : le ciel est mon siège. Quels sont ces hommes qui sont les cieux, sinon les justes ? Car le ciel ou les cieux, c’est tout un, comme l’Église et les églises ; elles sont plusieurs, et ne sont qu’une : ainsi les justes forment le ciel de manière à être des cieux. C’est sur eux que Dieu est assis, et par eux qu’il juge. Et ce n’est pas sans raison qu’il est dit : « Les cieux racontent la gloire de Dieu[3] ». Car les Apôtres sont devenus le ciel, et ils sont devenus le ciel parce qu’ils ont été justifiés. De même qu’en devenant pécheur, il est devenu terre, celui à qui Dieu a dit : « Tu es terre, et tu retourneras dans la terre[4] » ; de même, ceux qui deviennent justes, deviennent des cieux. Ils ont porté Dieu, et par eux Dieu faisait briller les éclairs de ses miracles, gronder le tonnerre de ses menaces, et tomber la pluie des consolations. Oui, oh ! oui, ils étaient des cieux, et ils racontaient la gloire de Dieu. Afin que vous sachiez bien que ce sont bien eux qui sont appelés le ciel, le même psaume ajoute : « Le bruit de leur voix a retenti dans toute la terre, et leurs paroles jusqu’aux confins du monde[5] ». Tu cherches de qui ces voix, et tu vois que ce sont les voix des cieux. Si donc le ciel est le siège de Dieu, et si les Apôtres sont le ciel, ils sont aussi les sièges de Dieu, les trônes de Dieu. Il est dit à un autre endroit : « L’âme du juste est le trône de la sagesse ». Quelle parole, mes frères : « L’âme du juste est le trône de la sagesse », c’est-à-dire que la sagesse repose dans l’âme du juste comme sur un siège, comme sur son trône, et que c’est là qu’elle exerce les jugements qu’elle porte. Les Apôtres étaient donc les trônes de la sagesse, et de là cette parole que leur adressait le Seigneur : « Vous serez assis sur douze trônes pour juger les douze tribus d’Israël[6] ». Ainsi ils s’assiéront sur des sièges, et seront eux-mêmes les sièges de Dieu ; et c’est d’eux qu’il est dit « Là se sont assis les sièges ». Les sièges donc se sont assis. Quels sont les sièges ? Ceux dont il est dit : L’âme du juste est le siège de la sagesse. Quels sont les sièges ? les cieux. Quels sont les cieux ? le ciel. Qu’est-ce que le ciel ? Ce dont le Seigneur a dit « Le ciel est mon siège ». Les justes sont donc les sièges, et occupent des sièges, et les sièges sont assis dans cette Jérusalem éternelle. Pourquoi ? Pour le jugement. Vous serez assis sur douze trônes, ô vous qui êtes des trônes, et vous jugerez les douze tribus d’Israël[7]. Jugerez qui ? ceux qui sont au-dessous d’eux sur la terre. Quels seront les juges ? Ceux qui sont devenus le ciel. Or, ceux qui devront être jugés seront divisés en deux parts, l’une à droite, l’autre à gauche. Les saints jugeront avec le Christ. « Il viendra pour juger avec les anciens du peuple[8] », dit Isaïe. Ainsi donc il en est qui jugeront avec le Christ ; d’autres seront jugés par lui et par ceux qui jugeront avec lui. Ils seront donc divisés en deux parts : les uns à droite, et oui leur tiendra compte des aumônes qu’ils auront faites ; les autres à gauche, et on leur reprochera leur cruauté, leur stérilité en bonnes œuvres. Or, à ceux de la droite on dira : « Venez, bénis de mon Père, recevez le royaume qui vous a été préparé dès l’origine du monde ». Pourquoi ? « J’ai eu faim », dira-t-il, « et vous m’avez donné à manger ». Et ceux-ci : « Quand vous avons-nous vu avoir faim ? »

  1. Ps. 121,5
  2. Isa. 66,1 ; Act. 7,43
  3. Ps. 18,2
  4. Gen. 3,19
  5. Ps. 18,2-5
  6. Mt. 19,28
  7. Id.
  8. Isa. 3,14