Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/321

Cette page n’a pas encore été corrigée

l’homme. Aussi est-il appelé paroikia, et non point habitation. « Seigneur, qui habitera dans vos tabernacles ? » Comme ce n’est qu’une tente, ou l’appelle en grec paroikia. Voyons donc ce qu’est un tabernacle, ce qu’est une montagne. Un tabernacle n’a aucun fondement, c’est une demeure passagère ; les montagnes, au contraire, ont des fondements solides ; c’est pourquoi ce tabernacle me parait être l’Église de ce monde. Or, les églises que vous voyez aujourd’hui sont des tabernacles, puisque nous ne devons point y demeurer, nous devons passer ailleurs. Car, si la figure de ce monde passe( 1 Cor. 7, 31), et si le ciel et la terre passeront( Matth. 24, 35), comme il est dit ailleurs, à combien plus forte raison les pierres de ces églises que nous avons sous les yeux ? On appelle donc maintenant les églises des tabernacles, parce que nous devons en sortir pour aller à la montagne sainte du Seigneur. Quelle est cette montagne sainte du Seigneur ? Ezéchiel nous le dit en parlant contre le prince de Tyr : « Tu as été blessé sur la montagne du Seigneur( Ezéch. 28, 16, suiv. les Septante). Et qui reposera sur votre montague sainte ? » Puisque nous devons quitter les tabernacles pour aller sur les saintes montagnes, il nous faut apprendre à quels hommes il appartient d’aller sur la sainte montagne de Dieu.
3. Il y a une interrogation dans cette parole : « Qui habitera dans vos tabernacles, ou qui se reposera sur votre montagne sainte ? » C’est maintenant l’Esprit-Saint qui répond à la question du Prophète ; et que lui dit-il ? Veux-tu savoir, ô Prophète, veux-tu savoir qui doit habiter dans mes tabernacles, et reposer sur ma montagne sainte ? Écoute ce qui suit : Si tu observes ce que je vais dire, tu habiteras sur ma montagne sainte. Vous donc qui voulez habiter les saints tabernacles, et vous élever sur la sainte montagne du Seigneur, vous n’avez pas besoin d’écouter mes paroles, écoutez ce que le Seigneur répondit au Prophète ; pratiquez ce que te Seigneur vous ordonne, et vous arriverez à la sainte montagne du Seigneur. C’est celui qui marche dans l’innocence, et qui pratique la justice » ( Ps. 14, 2.). Aussi le psaume cent dix-huitième nous dit-il : « Heureux les hommes innocents dans leurs voies ! » Oui, c’est ainsi qu’il commence : « Bienheureux les hommes innocents dans leurs voies ! » ( 1. Ps. 118, 1) De même qu’il est dit là : « Innocents dans leurs voies », il est dit ici : « Qui marche dans l’innocence ». Or, marcher c’est être dans la voie, « Qui marche dans l’innocence ». Voyez ce qui est prescrit. Il n’est pas dit qui est pur en atteignant la fin ; mais qui est encore en chemin, et qui est sans tache. Quelqu’un pouvait dire : Je n’ai aucune tache, n’ayant commis aucun mal. Il ne suffit pas d’éviter le mal, si nous ne faisons aussi le bien. Car le Prophète continue : « Et qui pratique la justice ». Non point qui garde la chasteté, non point, qui fait des actes de sagesse ou de courage. Voilà sans doute les principales vertus. Ainsi la sagesse nous vient en aide pour résister aux persécutions : la tempérance et la chasteté nous sont utiles, pour ne point perdre nos âmes. Mais il n’y a que la justice pour dominer toutes les vertus dont elle est la mère. Comment, dira-t-on, la justice peut-elle dominer toutes les autres ? Les autres vertus font la joie de ceux qui les pratiquent, tandis que la justice fait la joie, non de celui qui la pratique, mais des autres. Que je sois sage, la sagesse fait nies délices ; que je sois courageux, le courage me plaît ; que je sois chaste, la chasteté a des charmes pour moi mais la justice fait moins le bonheur de ceux qui la possèdent, que des malheureux qui ne l’ont point. Donne-moi un pauvre qui a un différend avec mon frère, donne à ce frère une puissance telle qu’il opprime de son crédit tout ce qui n’est pas moi, ou qui m’est étranger ; de quoi ma sagesse va-t-elle servir à ce Pauvre ? Que fait à ce pauvre ma chasteté ? Que lui fait mon courage ? Mais ma justice lui vient en aide, parce que, sans acception pour mon frère, je prononce selon la justice. La justice, en effet, ne connaît ni frère, ni mère, ni père ; elle connaît la vérité. Non plus que Dieu, elle ne fait acception de personne, Aussi le Prophète nous dit-il : « Et qui pratique la justice », de peur qu’il ne paraisse exclure les autres vertus. Quiconque se met dans une sainte colère pour en soulager un autre, quiconque ne fait point sa joie du malheur d’autrui, celui-là est juste.
4. Disons encore ce qui suit : « Celui qui dit la vérité dans son cœur » ( Id. 14, 3.). Beaucoup ont la vérité sur les lèvres, et non dans le cœur ; ils paraissent dire la vérité, et le cœur n’est