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véritable, et comment l’autre pourrait l’être aussi, sans qu’il y eût contradiction. D’après la coutume des Écritures des Hébreux, il est possible, en effet, qu’un livre divisé en plusieurs autres, ne soit regardé que comme un seul ; ainsi on ne parle que d’une Église, bien qu’elle soit divisée en plusieurs Églises, et d’un ciel unique, bien qu’il soit composé de plusieurs. Il n’est pas à croire qu’en disant : « Mon secours vient du Seigneur qui a fait le ciel et la terre[1] », le Prophète ait voulu omettre un des cieux. Et quand l’Écriture nous dit : « Dieu donna au firmament le nom de ciel[2] » ; quand elle assure qu’il y a des eaux au-dessus du firmament, c’est-à-dire du ciel, elle ne ment point, bien qu’elle dise ailleurs : « Et que toutes les eaux qui sont par-dessus les cieux louent le Seigneur[3] », sans dire au-dessus du ciel. On dit aussi : la terre, bien qu’elle soit composée de plusieurs, et chaque jour nous disons indifféremment orbis terrae, ou orbis terrarum, le globe de la terre, ou le globe des terres. Quoique, dans le langage ordinaire, cette expression : « Il est écrit dans le livre des Psaumes », semble dire qu’il n’y a qu’un seul livre, néanmoins on peut répondre que cette manière de parler : « dans le livre des Psaumes », signifie dans l’un des cinq livres. Mais cette manière de parler est tellement inusitée, ou du moins tellement rare, que ce texte : « Comme il est écrit dans le livre des Prophètes[4] », a fait croire que les douze Prophètes ne forment qu’un seul livre. Il en est encore qui ne regardent que comme un livre unique tous les livres de l’Écriture, parce qu’ils forment une admirable et divine unité, et que cette parole : « Il est écrit, au commencement du u livre, que je dois faire votre volonté », doit nous faire comprendre que le Père a créé le monde par le Fils, puisque cette création est placée au commencement de toute Écriture dans le livre de la Genèse. Ou plutôt parce que cette parole paraît une prophétie, rapportant moins les faits que prédisant l’avenir, puisqu’il n’est pas dit « que j’aie fait », mais « afin que je fasse », ou que je fisse votre volonté » ; et dès lors cette parole devrait se rapporter à une autre parole consignée aussi dans les premières lignes du même livre : « Ils seront deux dans la même chair[5] » ; profond mystère, selon l’Apôtre, dans le Christ et dans l’Église[6]. On pourrait voir encore le livre des Psaumes désigné dans cette parole : « Au commencement du livre, il est écrit de moi que je fasse votre volonté ». Car on lit ensuite : « Mon Dieu, je l’ai voulu, votre loi est dans le milieu de mon cœur[7] ». Or, on voit une prophétie de Jésus-Christ dans le premier psaume placé à la tête du livre : « Bienheureux l’homme qui ne s’est point laissé aller au conseil des impies, qui ne s’est point arrêté dans le sentier des pécheurs, ni assis dans la chair de pestilence, mais dont la volonté s’affermit dans la loi du Seigneur, et qui méditera cette loi le jour et la nuit[8] ». Ce qui reviendrait à cette parole : « Mon Dieu, je l’ai voulu, et votre loi est au milieu de mon cœur ». Quant à cette autre parole : « J’ai annoncé votre justice dans une grande assemblée[9] », elle se rapporte naturellement à celle-ci : « Ils seront deux dans une même chair[10] ».
3. Que l’on prenne dans l’un ou dans l’autre sens cette expression : « Au commencement du livre », ce livre des psaumes, divisé en trois parties, de cinquante chacune, me paraît marquer de grands mystères, si l’on consulte bien chaque psaume cinquantième. Je ne saurais croire, en effet, que ce soit sans raison que le cinquantième soit tira psaume de pénitence ; le centième, de la miséricorde et de la justice ; le cent cinquantième, de la louange de Dieu dans ses saints. Tulle est ers effet la voie que nous suivons, pour arriver à la vie éternelle et bienheureuse : d’abord la condamnation de nos péchés, ensuite la vie pure, en sorte que nous méritions par cette vie pure, et par la condamnation de nos fautes, la vie éternelle. C’est en effet d’après un arrêt profond de sa justice et de sa bonté, que Dieu a appelé ceux qu’il avait prédestinés, que ceux qu’il a appelés, il les a justifiés, et que ceux qu’il a justifiés, il les a glorifiés[11]. Il est vrai, ce n’est point en nous-mêmes que s’est faite notre prédestination, mais eu lui-même et dans le secret de sa prescience. Pourtant, les trois autres faveurs, la vocation, la justification, et la vocation se font en nous. C’est la prédication de la pénitence qui nous appelle ; car c’est ainsi que le Sauveur commence à prêcher son Évangile : « Faites pénitence, car le royaume des cieux est proche[12] ».

  1. Ps. 120,2
  2. Gen. 1,7-8
  3. Ps. 148,4-5
  4. Ps. 39,8
  5. Gen. 2,24
  6. Eph. 5,31-32
  7. Ps. 39,8-10
  8. Id. 1,1-2
  9. Id. 39,8-10
  10. Gen. 2,25
  11. Rom. 8,30
  12. Mt. 3,2 ; 4,17