Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/302

Cette page n’a pas encore été corrigée

qu’il laisse aller au hasard comme elles peuvent et où elles peuvent. Ils se tiennent un langage qui les persuade ; mais pour toi, ferme tes oreilles, c’est-à-dire ne te laisse point persuader par des paroles qui sont des blasphèmes et des outrages envers Dieu. Si la pluie venait de Dieu, nous disent-ils, tomberait-elle sur la mer ? Où serait sa Providence, de faire pleuvoir sur la mer, quand la Gétulie est desséchée ? Ils se croient habiles en parlant ainsi ; et nous pouvons leur répondre : Que la Gétulie ait soif, toi du moins tu n’as pas soif. Et néanmoins il serait bon pour toi de dire : « Mon âme sans vous est comme une terre sans eau »[1], ou comme il est dit plus clairement ailleurs : « Mon âme a soif de vous, et ma chair se dessèche dans ce désir[2] ». Et le Seigneur dans l’Évangile : « Bienheureux ceux qui ont faim et soif de la justice, parce qu’ils seront rassasiés[3] ». Or, celui qui nous tient ce langage impie est déjà rassasié ; il se croit savant, ne veut rien apprendre et montre qu’il n’a point soif. S’il avait une véritable soif, il chercherait à s’instruire, et comprendrait que rien ne se fait sur la terre sans la providence de Dieu ; il admirerait jusqu’à l’économie des membres d’un puceron. Que votre charité veuille bien écouter. Qui a disposé les membres d’un insecte et d’un moucheron, de manière à leur assigner une place, à leur donner une vie et un mouvement propres ? Prends et considère le plus chétif insecte, aussi petit que tu le voudras ; vois, si tu peux le comprendre, et l’ordre qui règne dans ses membres, et cette vie qui l’anime et le fait mouvoir ; de lui-même il évite la mort, il aime la vie, il recherche le plaisir, évite la douleur, s’agite en différentes manières et déploie de la vigueur dans le mouvement qui lui est propre. Qui a donné au cousin la trompe par où il suce notre sang ? Qui comprendra la délicatesse de ce canal qui le nourrit ? Qui a disposé tout cela ? Qui l’a créé ? Tu es effrayé de ces frêles ouvrages ; loue celui qui est grand. Demeurez donc fermes dans ces principes, mes frères : que nul ne vous fasse dévier de la foi, de la saine doctrine. Celui qui a fait l’ange dans le ciel, a fait aussi le vermisseau sur la terre ; mais l’ange dans le ciel pour habiter les régions célestes, et le vermisseau sur la terre pour demeurer dans ces terrestres régions. A-t-il fait l’ange pour ramper sur la terre, et le vermisseau pour planer dans les cieux ? À chaque demeure il a assigné ses habitants, aux créatures incorruptibles une demeure incorruptible, et aux créatures corruptibles un lieu sujet à la corruption. Considère toutes choses, et loue le monde entier. Et celui qui a mis en ordre les membres d’un vermisseau, ne gouverne point les nuées ? Et pourquoi, nous dit-on, pleut-il dans la mer ? comme s’il n’y avait pas dans la mer des créatures que nourrit la pluie, comme si Dieu n’y avait point mis des poissons, n’y avait point mis des animaux. Voyez comme les poissons accourent à l’eau douce, Et pourquoi, diras-tu encore, pleut-il pour le poisson, quand il ne pleut jamais pour moi ? Afin que tu comprennes que tu es dans une terre déserte, dans l’exil : afin que l’amertume de la vie présente te fasse désirer la vie à venir ou plutôt afin que tu sois de la sorte et flagellé, et châtié, et redressé. Comme Dieu a assigné à chaque région des biens spéciaux ! Nous avons parlé de la Gétulie ; eh bien ! il pleut ici à peu près chaque année, et chaque année aussi nous avons du blé que l’on ne saurait conserver et qui se corrompt très rapidement, parce qu’il en vient chaque année ; tandis que là où il vient rarement, il vient en abondance et se conserve longtemps, Mais croiras-tu que Dieu ait abandonné ces contrées, qu’il n’y ait pas mis des joies, de manière que les habitants ne puissent et louer et bénir le Seigneur ? Va chercher un Gétule, amène-le dans nos riants bosquets, il voudra s’enfuir et retourner dans son aride Gétule. Ainsi Dieu a distribué dans chaque pays, dans chaque région, et dans chaque saison, ses dons particuliers. Il serait long de considérer plus attentivement chacune des créatures. Qui pourrait en donner le détail ? Celui dont Dieu a éclairé les yeux y découvrent des beautés dont l’aspect les ravit, et ce ravissement les porte non point à chanter ces beautés, mais celui qui en est l’auteur ; et ainsi toutes les créatures chantent les louanges de Dieu.
11. C’est dans cette vue que, après avoir invité à bénir le Seigneur, et le feu et la neige, et la glace, et l’esprit des tempêtes, phénomènes qui sont aux yeux des insensés le résultat d’un trouble, et amenés par le hasard, le Prophète ajoute : « Qui obéissent à sa

  1. Ps. 142,6
  2. Id. 62,2
  3. Mt. 5,6