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Dieu, à être appelés justes par la foi, « puisque c’est de la foi que vit le juste[1] ». Tout ce qui nous résiste encore, tout ce qui nous est contraire vient de la mortalité de notre chair, et sera guéri. « Car Dieu rendra la vie à vos corps mortels, par l’esprit qui habite en vous ». C’est pour cela qu’il nous témoigne, par un gage, qu’il veut accomplir ce qu’il nous a promis. Mais maintenant dans cette vie, où nous confessons nos fautes, sans rien posséder encore, dans cette vie qu’arrivera-t-il ? Comment être guéri ? « Le Seigneur guérit ceux dont le cœur est brisé » ; mais la guérison parfaite arrivera quand nous l’avons dit ; toutefois, en cette vie qu’arrive-t-il ? « Il bande leurs plaies ». Celui-là, dit le Prophète, qui guérit ceux dont le cœur est brisé, et dont la santé parfaite n’arrivera qu’à la résurrection des morts, celui-là bande aujourd’hui leurs plaies.
7. Comment bander ces plaies ? Comme les médecins bandent les fractures. Souvent, en effet, que votre charité veuille bien comprendre ce que comprennent ceux qui l’ont remarqué, ou l’ont appris des médecins : souvent les médecins brisent de nouveau afin de mieux redresser un membre mal replacé, ou mal affermi ; ils font une blessure nouvelle, parce qu’une guérison défectueuse devient nuisible. « Les voies du Seigneur sont droites », a dit l’Écriture, « mais l’homme au cœur dépravé y trouve des scandales[2] ». Qu’est-ce que l’homme au cœur dépravé ? L’homme qui a le cœur tortueux. Un tel homme ne voit que du louche dans les paroles de Dieu, que des défauts dans ses actes ; tous les jugements de Dieu lui déplaisent, surtout ceux qui doivent le châtier. Le voilà qui s’assied, qui montre que Dieu est en défaut parce qu’il n’agit point selon la corruption de son mur. C’est donc peu pour un cœur dépravé de ne point se redresser selon Dieu ; il prête à Dieu sa difformité. Que dit le Seigneur du haut du ciel ? C’est toi qui es tortueux, moi qui suis droit ; si tu étais droit, tu reconnaîtrais que je le suis. Posez un bois tortueux sur un pavé bien uni, il ne saurait s’y appliquer : il branle, il est peu solide ; et cela ne vient pas de l’inégalité du pavé, mais de la difformité du bois. C’est ce qu’a dit l’Écriture : « Que le Dieu d’Israël est bon à ceux dont le cœur est droit[3] ! » Mais cet autre cœur est tortueux, comment le redresser ? Il est tortueux et endurci ; qu’on brise alors ce cœur tortueux et endurci, qu’on le brise et qu’on le redresse. Tu ne saurais redresser ton cœur mais c’est à toi de le briser, Dieu le redressera. Comment le briser, le rendre contrit ? En confessant tes péchés, en les châtiant toi-même. Que veut-on dire autre chose, en se frappant la poitrine ? À moins peut-être de croire que nous frappons nos poitrines parce que toutes sont coupables. Mais non, c’est dire par là que nous brisons nos cœurs afin que Dieu les redresse.
8. « Dieu donc guérit ceux dont le cœur est brisé », contrit. Et cette guérison du cœur sera parfaite, quand notre corps sera complètement réparé, selon la promesse que nous en avons. Que fait cependant le médecin ? Il bande tes blessures, afin que tu puisses arriver à la santé pleine et entière, et que tout ce qui a été brisé et bandé redevienne solide. Quelles bandes nous seront appliquées ? Les sacrements de cette vie. Ces sacrements qui nous consolent, sont autant de bandages qui guérissent nos meurtrissures ; ce que nous disons en vous parlant, ces exhortations qui frappent vos oreilles et qui passent, tout ce que l’on fait ici-bas dans l’Église, tout cela est appareil pour vos plaies. De même qu’après la parfaite guérison le médecin enlève tout appareil, de même dans la cité de Jérusalem, quand nous serons semblables aux anges, pensez-vous que nous recevrons encore ce que nous recevons ici ? Aurons-nous besoin de lire l’Évangile pour affermir notre foi ? Les pasteurs nous imposeront-ils les mains ? Tous ces appareils de nos meurtrissures disparaîtront, quand la santé sera parfaite ; mais il n’y aurait point de guérison sans ces appareils. « Il guérit ceux dont le cœur est brisé, il bande leurs meurtrissures ».
9. « Il compte la multitude des étoiles, et les appelle par leurs noms[4] ». Qu’y a-t-il de grand pour Dieu à compter les étoiles ? Les hommes ont essayé de les compter ; à eux de voir s’ils ont réussi ; et toutefois ils n’en feraient point l’essai, s’ils n’espéraient y parvenir. Laissons-les, avec tout ce qu’ils ont pu faire, et au point qu’ils ont pu atteindre ; mais pour Dieu, rien de grand à compter toutes les étoiles. Repassera-t-il ce nombre dans sa

  1. Rom. 1,17
  2. Os. 25,10
  3. Ps. 72,1
  4. Ps. 146,4