Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/265

Cette page n’a pas encore été corrigée

cité des saints, quand nous seront semblables aux anges de Dieu[1] ; quand il n’y aura plus à subir de nécessité corporelle, quand nous ne sentirons ni la faim, ni la soif, ni le poids de la chaleur, ni l’engourdissement du froid, ni les tourments de la fièvre, ni la destruction de la mort. Exerçons-nous par avance à cette louange parfaite, en louant Dieu par nos bonnes œuvres.
3. Aussi, après avoir dit : « Louez le Seigneur, parce qu’il est bon de le louer sur le psaltérion », le Prophète ajoute : « Que votre louange soit agréable à notre Dieu ». Comment cette louange sera-t-elle agréable à notre Dieu, sinon quand nous le bénirons par une vie pure ? Écoute bien comment cette louange peut lui être agréable. Il est dit ailleurs : « La louange n’est point belle dans la bouche du pécheur[2] ». Si donc la louange n’est point belle dans la bouche du pécheur, elle n’est point agréable ; car il n’y a d’agréable que le beau. Veux-tu que ta louange soit agréable à Dieu ? Ne gâte point tes chants mélodieux par les tons faux d’une vie licencieuse. « Que votre louange soit agréable à Dieu ». Qu’est-ce à dire ? Menez une vie pure, ô vous qui louez Dieu. La louange des méchants ne peut que le blesser. Dieu s’arrête plus à considérer ta vie, qu’à écouter le son de ta voix. Assurément tu veux avoir la paix avec ce Dieu que tu chantes, mais comment l’avoir avec lui quand tu es en désaccord avec, toi-même ? Quel désaccord avec moi-même, diras-tu ? C’est que ta langue rend un son, ta vie un autre son. « Que votre louange soit agréable à Dieu ». Un homme peut s’éprendre d’une louange, quand il entend louer avec une voix mélodieuse, des périodes arrondies et de fines pensées ; mais « que votre louange soit agréable à Dieu », qui a l’oreille non plus à notre voix, mais à notre cœur, qui n’écoute point l’harmonie des paroles, mais celle de nos bonnes œuvres.
4. Qui est notre Dieu, pour que notre louange lui soit agréable ? Il veut être doux pour nous, il veut se faire aimer de nous ; rendons grâces à sa miséricorde. Il daigne s’offrir à notre amour, non qu’il puisse recevoir quelque chose de nous, mais bien plus pour nous donner lui-même. Comment donc Dieu veut-il se poser devant nous ? Écoutez l’apôtre saint Paul : « Dieu fait éclater son amour envers vous ». Comment Dieu fait-il éclater cet amour ? Que l’Apôtre nous le dise, afin qu’on le compare avec notre psaume « Dieu », dit-il, « fait éclater son amour envers nous ». Comment le fait-il éclater ? « C’est que nous étions pécheurs, et alors le Christ est mort pour nous[3] ». Que réserve donc à ceux qui le bénissent un Dieu qui signale ainsi son amour envers des pécheurs ? Ainsi, voilà l’Apôtre qui nous dit que Dieu fait éclater son amour envers nous, au point que le Christ est mort pour les pécheurs ; non pour les laisser dans leur impiété, mais afin que la mort du juste les guérît de leur injustice ; maintenant écoute notre psaume, que dit-il après ces paroles « Que notre louange soit agréable à Dieu ? » Voyons s’il nous en donne une raison qui s’accorde avec celle de l’Apôtre : « Que le Christ est mort pour les impies ». C’est, dit le Psalmiste, « qu’il bâtit Jérusalem et qu’il rassemble ceux d’Israël qui sont dispersés[4] ». Voilà que le Seigneur bâtit Jérusalem et qu’il rassemble son peuple épars. Le peuple d’Israël est, en effet, le peuple de Jérusalem, et il y a une Jérusalem éternelle, dont les citoyens sont les anges mêmes. Que signifie donc ici Israël ? Si par Israël nous entendons ce petit-fils d’Abraham, appelé aussi Jacob, comment ce nom d’Israël conviendra-t-il aux anges ? Mais si nous examinons le sens de ce nom, car à Jacob le nom fut échangé contre celui d’Israël[5], ce nom d’Israël convient mieux à cette cité bienheureuse, et puissions-nous à notre tour être ensuite Israël. Que veut dire. Israël, en effet ? Qui voit Dieu. Donc, les habitants de cette cité des cieux voient Dieu, et ce spectacle de Dieu même fait leur joie dans cette ville si grande et si auguste. Quant à nous, le péché nous a bannis de cette heureuse patrie, il nous a empêchés d’y demeurer, et le poids de notre mortalité nous empêche d’y retourner. Dieu a regardé notre exil, et lui qui rebâtit Jérusalem, en relève la partie tombée. Comment relever cette partie tombée ? « En rassemblant ce qui est dispersé d’Israël ». Une partie d’Israël est tombée, en effet, devenue étrangère ; et cette étrangère, Dieu l’a regardée avec miséricorde, et a recherché ceux qui ne le cherchaient point. Comment les a-t-il cherchés ? Qui a-t-il envoyé dans notre captivité ? Il a envoyé un rédempteur selon cette Parole

  1. Mt. 22,30
  2. Sir. 15,9
  3. Rom. 5,8-9
  4. Ps. 146,2
  5. Gen. 32,28