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salut[1] ». Le salut n’est que dans le Fils de l’homme, et non parce qu’il est fils de l’homme, mais parce qu’il est le Fils de Dieu ; non parce qu’il a pris de toi, mais parce qu’il a conservé en lui-même. Nul homme donc n’a le salut, puisque le salut est dans le fils de l’homme précisément parce qu’il est « Dieu, et Dieu béni dans tous les siècles ». Il est dit du Christ qu’il est né d’eux selon la chair[2]. De qui ? Des Juifs ; c’est de nos pères que le Christ est né selon la chair. Mais ce qui est né selon la chair, est-ce là tout le Christ ? Non, car ce n’est point selon la chair qu’il est par-dessus tout le Dieu béni dans tous les siècles. C’est pour cela qu’il est le salut, puisque le salut appartient au Seigneur. Nous lisons, en effet, dans un autre psaume : « Le salut vient du Seigneur, et votre bénédiction sera sur votre peuple[3] ». C’est donc vainement que les hommes s’attribuent le pouvoir de sauver. Qu’ils se sauvent, s’ils le peuvent. Réponds à cet orgueilleux : Dire que tu me donneras le salut, c’est te glorifier ; commence par te sauver, et vois si le salut est en toi. En considérant avec attention ta propre faiblesse, tu vois que tu ne l’as pas encore. Ne dis donc plus que j’aie à l’attendre de loi, mais, plutôt, attends avec moi ce salut. « Ne mettez point votre confiance dans les princes, et dans les fils des hommes, en qui n’est pas le salut ». Voici venir, je ne sais d’où, certains princes qui nous disent : Moi je baptise, et tout ce que je donnerai, c’est ce qui est saint ; ce que vous avez reçu d’un autre n’est rien, ce qui vient de moi, au contraire, est quelque chose. O homme, ô prince, veux-tu être de ces enfants des hommes, de ces princes en qui n’est pas le salut ? J’ai donc le salut, précisément parce que c’est toi qui me le donnes ? Ce que tu donnes est-il à toi ? Et même est-ce bien toi qui le donnes ? Peut-on même dire que tu le donnes ? Que le canal dise alors que c’est lui qui donne l’eau ; que le tuyau dise que c’est lui-même qui coule ; que le héraut dise que c’est lui qui fait grâce. Pour moi, dans l’eau j’envisage la source, et dans la voix du héraut je reconnais le juge. Tu ne seras donc point l’auteur de mon salut. Il le sera, celui qui me donne pleine assurance ; et je ne suis point sûr de toi. Et si tu n’es orgueilleux, je ne suis point seul pour douter de toi, tu en doutes avec moi. Donc le salut me vient de celui qui est par-dessus tout, puisque le salut vient du Seigneur. Toi, je te rencontre parmi les enfants des hommes, parmi les princes, et j’entends la voix du psaume : « Ne mettez point votre confiance dans les princes, dans les fils des hommes, en qui n’est point le salut ».
10. Qu’appelle-t-on vulgairement les enfants des hommes ? Veux-tu le savoir ? « Son esprit s’en ira, et la chair retournera dans sa terre[4] ». Voilà tout ce que dit la chair, sans savoir combien de temps elle parlera : elle menace et ne sait combien elle vivra. Son esprit s’en ira subitement, et elle retournera dans sa terre. Mais son esprit s’en ira-t-il comme il le voudra ? Il s’en ira, et même s’en ira quand il ne le voudra point, et dans un temps qu’il ignore retournera dans sa terre. Quand l’âme s’en ira, la chair retournera dans la terre. Mais parce que c’était la chair qui parlait de la sorte (Pour dire en effet : Comptez sur moi, c’est moi qui vous donne, il n’y a que des hommes dont il est dit : « Ils sont chair »), « voilà que l’esprit sortira, et « elle retournera dans la poussière ; en ce « jour périront toutes ses pensées o. Qu’est devenue cette enflure ? Qu’est devenu cet orgueil ? Où est cette jactance ? Peut-être cet homme est-il au lieu du bonheur, avec les justes, si tant est qu’il soit passé. Car je ne sais où sera passé celui qui parle de la sorte. C’est l’orgueil qui parle de la sorte, et je ne sais où vont ces hommes, à moins qu’en jetant les yeux sur un autre psaume je ne voie pour eux un passage funeste. « J’ai vu « l’impie élevé plus haut que les cèdres du Liban, et j’ai passé, et voilà qu’il n’était plus, et je l’ai cherché, et sa place ne s’est e plus trouvée[5] ». Cet homme juste qui a passé, sans trouver l’impie, est donc arrivé où l’impie n’était point. Écoutons donc tous, mes frères, écoutons, mes bien-aimés en Dieu. Quelles que soient nos tribulations, quel que soit notre désir de la grâce divine, gardons-nous de mettre notre confiance dans les princes, ou dans les fils des hommes, en qui n’est pas le salut. Tout cela est mortel, tout cela passe et doit finir, « Son esprit s’en ira, et il retournera dans sa terre : en ce jour périront toutes ses pensées ».
11. Que faire donc, si nous ne devons espérer ni dans les fils des hommes, ni dans

  1. Ps. 145,3
  2. Rom. 9,5
  3. Ps. 3,9
  4. Ps. 145,4
  5. Id. 36,35-36