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jour en jour ; car la colère de Dieu éclatera subitement, et il te perdra au jour des vengeances[1] ». Ne dis donc plus : Demain je me convertirai, demain je chercherai à plaire à Dieu ; et tous mes péchés d’hier et d’aujourd’hui me seront pardonnés. Il est vrai que Dieu t’a promis le pardon au jour où tu te convertiras ; mais il n’a promis aucun lendemain à tes retards.
11. « Le Seigneur est bon pour tous, et sa bonté s’étend sur toutes ses œuvres[2] ». Pourquoi donc une damnation ? Pourquoi des châtiments ? Ceux qu’il damne, ceux qu’il châtie, ne sont-ils pas son ouvrage ? Ils le sont sans doute. Veux-tu comprendre que « sa bonté s’étend sur toutes ses œuvres ? » Elle est la source de cette clémence « qui fait luire son soleil sur les bons et sur les méchants[3] ». N’est-ce pas épancher sa miséricorde sur ses créatures, que faire pleuvoir sur les justes et sur les injustes ? N’est-ce point là épancher sa miséricorde sur toutes ses œuvres ? Attendre avec longanimité le pécheur, en disant : « Convertissez-vous à moi, et je me retournerai vers vous[4] », n’est-ce pas épancher sa miséricorde sur toutes ses œuvres ? Mais dire : « Allez, maudits, au feu éternel, préparé pour de diable et pour ses anges[5] », ce n’est plus la miséricorde, c’est la sévérité, Il y a donc miséricorde pour ses œuvres, et sévérité, non plus pour ses œuvres, mais pour les tiennes. Enfin si tu viens à retrancher tes œuvres mauvaises, de manière qu’il n’y ait en toi que son œuvre, sa miséricorde ne t’abandonnera point ; mais si tu ne quittes point tes œuvres mauvaises, Dieu déploiera sa sévérité contre tes œuvres, non contre les siennes.
13. « Que toutes vos œuvres vous confessent, ô mon Dieu, et que vos saints vous bénissent[6] ». Que toutes vos œuvres vous bénissent. Quoi donc ! la terre n’est-elle pas son œuvre ? Le bois n’est-il pas son œuvre ? Les troupeaux, les bestiaux, les poissons, les oiseaux, ne sont-ils pas ses œuvres ? Assurément ce sont là ses œuvres ; mais comment toutes ses œuvres pourront-elles confesser le Seigneur ? Je comprends que, à l’égard des anges, les œuvres de Dieu le confessent, car les anges sont ses œuvres ; les hommes aussi sont ses œuvres, et quand les hommes le confessent, ses œuvres le confessent ; mais les bois et les pierres ont-ils une voix pour le confesser ? Et, toutefois, que toutes ses œuvres le confessent, dit le psalmiste. Comment ? Et la terre et le bois ? Oui, toutes ses œuvres ; si toutes révèlent sa gloire, pourquoi toutes ne le confesseraient-elles point ? Car la confession ne s’entend pas seulement de l’aveu des fautes, elle s’entend aussi de la louange ; et ne croyez pas que partout le mot de confession ne signifie que l’aveu du péché. On s’est tellement pénétré de cette idée, que si l’on entend ce mot dans les saintes Écritures, on se frappe aussitôt la poitrine. Comprends alors qu’il y a aussi une confession de louanges : Notre-Seigneur Jésus-Christ avait-il donc des péchés à confesser ? Et cependant il dit : « Je vous confesserai, mon Père, Dieu du ciel et de la terre[7] ». La louange est donc une confession. Dès lors, comment faut-il entendre : « Que tous vos ouvrages vous confessent », sinon, que tous vos ouvrages vous louent ? Mais, diras-tu, la difficulté revient pour la louange, comme pour la confession. Si la terre, les bois, les créatures sans raison, ne sauraient confesser le Seigneur, parce qu’ils n’ont point de voix pour faire cette confession, ils ne pourront non plus le louer, puisqu’ils n’ont point de voix pour parler. Et toutefois ces créatures ne sont-elles point citées par les trois enfants qui se promènent dans les flammes, assez libres non seulement pour ne pas brûler, mais encore pour louer Dieu ? À toutes les créatures, depuis la terre jusqu’au ciel, ils disent : « Bénissez le Seigneur, chantez-lui des hymnes, louez-le à jamais[8] ». Les voilà qui chantent des hymnes. Que nul ne s’imagine, toutefois, qu’une pierre muette, qu’un animal sans parole ait assez de raison pour connaître Dieu. C’est une grave erreur pour ceux qui l’ont cru. Dieu a tout réglé, tout créé : à quelques créatures il a donné le sens, l’intelligence et l’immortalité comme aux anges ; à d’autres, qui sont mortels, il a donné le sens et l’intelligence comme aux hommes : à ceux-ci il a donné le sens corporel, mais sans intelligence et sans immortalité, comme aux animaux ; à ceux-là, il n’a donné ni le sens, ni l’intelligence, ni l’immortalité, comme aux herbes, aux bois, aux pierres : et toutefois nulle de ces créatures ne saurait manquer dans son genre. Dieu les a réglées comme par degrés depuis la terre jusqu’au ciel, depuis

  1. Sir. 5,8-9
  2. Ps. 144,9
  3. Mt. 5,45
  4. Mal. 3,7 ; Zach. 1,3
  5. Mt. 25,41
  6. Ps. 144,10
  7. Mt. 11,25
  8. Dan. 3,20-90