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et ils lui ont donné à manger ; a eu soif, et ils lui ont donné à boire ; a été étranger, et ils l’ont reçu ; a été nu, et ils l’ont revêtu[1]. Ce sont des avantages qu’ils ont tirés de la gauche, dont ils ont fait des œuvres de la droite, afin d’être eux-mêmes placés à la droite. Donc ces hommes vains, ces fils de l’étranger ont dit : « Bienheureux le peuple qui a de tels biens » ; mais vous, dites avec nous : « Bienheureux le peuple qui a pour Dieu le Seigneur ».


DISCOURS SUR LE PSAUME 144

SERMON AU PEUPLE, PRÊCHÉ A UTIQUE, DANS LA BASILIQUE DE LA MASSE-BLANCHE[2].

L’ŒUVRE DE LA RÉGÉNÉRATION.

Dieu s’est loué pour nous apprendre à le louer. Ce David à qui s’adressent les louanges du psaume est le Christ issu du peuple juif d’où sont venus les Apôtres, et fils de David. – Bénissons Dieu toujours, dans la prospérité comme dans le malheur ; mais nulle prospérité n’est comparable à celle de posséder Dieu, que nul ne saurait nous ravir, que le malheur n’enleva point à Job. Croyons dès lors qu’il agit toujours avec miséricorde ; louons sans fin sa grandeur sans borne. Ainsi font cens qui ne passent par la mort que pour arriver à la terre des vivants. Bénissons-le dans ses œuvres, surtout dans celles qui nous connaissons. Toute génération le bénira. Elles annonceront la puissance de Dieu, en laquelle se résument toutes ses œuvres ; et tout ce que l’on peut louer vient de celui qui a tout fait, qui gouverne tout. Louer les œuvres de Dieu, c’est nous louer nous-mêmes, et nous louer sans orgueil. Ces œuvres sont pour nous des degrés pour nous élever jusqu’à lai ; ses faveurs sont accompagnées de menaces afin de nous encourager et de nous contenir. Ils raconteront ce mémorial du Seigneur qui n’a point oublié l’homme, quand l’homme l’oubliait. Ils tressailliront dans cette justice de Dieu qui nous refaits par sa grâce, et sans que nous ayons rien mérité par aucune œuvre, puisque toute bonne œuvre vient de lui. Il est miséricordieux envers les pécheurs, qu’il encourage contre le désespoir, qu’il détourne d’une folle espérance. Sa bonté s’étend sur toutes ses œuvres, puisqu’il fait luire son soleil sur les bons et sur les méchants, et néanmoins il donne, c’est-à-dire qu’il est sévère pour nos œuvres, et nous force à retrancher les mauvaises, ou les retranche lui-même.

Les créatures intelligentes loueront le Seigneur, puisqu’elles révèlent sa grandeur, sa puissance ; elles le loueront sans voix, car on ne saurait en considérer la beauté sans louer Dieu.

Les saints feront connaître la beauté de Dieu, beauté supérieure à toutes les beautés visibles, et que nous découvre la foi ; sa fidélité dans ses promesses, dont plusieurs qui sont accomplies nous font croire au reste ; sa bonté à soutenir cens qui tombent, c’est-à-dire ou ceux qui se séparent du mal, ou ceux qui tombent de leur prospérité comme Job ; sa miséricorde qui donne en temps opportun, mais non tout ce que nous demandons, et quand nous le demandons. Souvent il diffère, ou nous accorde ce que nous ne demandons point, mais ce qui nous convient le mieux. Qu’il frappe ou qu’il guérisse il est toujours juste ; il est proche de ceux qui l’invoquent, mais en vérité, c’est-à-dire qui méprisent le reste pour ne désirer que lui-même, qui ne l’en aiment pas moins quand il nous ôte les biens terrestres. Il fera la volonté de ceux qui le craignent en leur accordant le salut, en perdant les pécheurs obstinés et murmurateurs.


1. Mon désir était de louer le Seigneur avec vous ; et puisqu’il a daigné m’accorder cette faveur, je veux mettre une certaine règle dans nos louanges en son honneur, afin de n’offenser par aucun excès celui que nous voulons louer ; nous ferons donc mieux de chercher dans l’Écriture un moyen plus assuré de le bénir, de peur de nous écarter un peu à droite ou à gauche. J’ose bien le dire à votre charité, mes frères : afin que Dieu pût être loué par l’homme, Dieu s’est loué lui-même ; et parce qu’il a daigné se louer lui-même, l’homme a trouvé moyen de le faire à son tour. On ne saurait, en effet, dire à Dieu ce que l’on dit à l’homme : « Que votre bouche ne se loue point[3] ». Se louer, de la part de l’homme c’est arrogance, de la part de Dieu c’est miséricorde. Il nous est bon d’aimer celui que nous louons, et aimer le bien c’est devenir meilleur. Le Seigneur donc, parce qu’il nous est avantageux de l’aimer, nous montre en se louant combien il est aimable, et se montrer aimable, c’est subvenir à notre faiblesse. Il engage donc notre cœur à le louer, et c’est pour être loué par ses serviteurs qu’il les a rem plis de son esprit ; et comme c’est son esprit qui le loue dans ses serviteurs, n’est-ce pas lui-

  1. Mt. 25,35-36
  2. Voir ci-dessus, Ps. 49,49, n°9
  3. Prov. 27,2