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atteindre celui qui l’honorait. « Va », dit-il, « et dis aux enfants d’Israël : Le Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac et Dieu de Jacob m’a envoyé vers vous ; c’est là mon nom pour l’éternité[1] ». Assurément, Seigneur, votre nom est bien tel que vous l’avez dit : « Je suis : Celui qui est m’a envoyé vers vous ». Pourquoi changer votre nom, et vous appeler, « Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, et Dieu de Jacob ? » Ne te semble-t-il pas que sa raison suprême te répond : dire : « Je suis celui qui suis », est vrai, mais tu ne saurais comprendre. Dire : « Je suis le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob », c’est vrai aussi, et tu comprends ? « Je suis celui qui suis », c’est un langage qui m’est propre ; dire : « Je « suis le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le « Dieu de Jacob », c’est un langage à ta portée. Et si tu te perds dans ce que je suis en moi-même, comprends ce que je suis pour toi. Mais de peur qu’on ne vînt à croire que ce nom u Je suis celui qui suis o ; et encore : « Celui qui est m’a envoyé vers vous », c’est là son seul nom dans l’éternité ; tandis que : « Je suis le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob », serait un nom temporel : le Seigneur après avoir dit : « Je suis celui qui suis » ; et encore : « Celui qui est m’a envoyé vers vous », n’a pris aucun soin de dire que ce nom lui fût éternel ; car on le comprend, bien qu’il ne le dise point. Il est en effet, et il est véritablement, et dès lors qu’il est dans la force du terme, il n’a ni commencement ni fin. Quant à ce qu’il est à cause des hommes : « Je suis le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob », de peur qu’il ne s’élève, dans notre âme certaine inquiétude, parce que c’est là un nom temporel et non pas un nom éternel, Dieu nous rassure, et nous fait passer du temps à la vie éternelle. « C’est là », dit-il, « mon nom pour l’éternité », non pas qu’Abraham soit éternel, ni Isaac éternel, ou Jacob éternel, mais parce que Dieu les rend éternels ensuite et sans fin. Ils n’auront pas de fin, bien qu’ils aient eu un commencement.
7. Dans Abraham, Isaac et Jacob, voyez, mes frères, toute l’Église, voyez toute la postérité d’Israël, et non seulement la postérité selon la chair, mais aussi la postérité selon la foi. C’est aux Gentils que s’adressait l’Apôtre quand il disait : « Si donc vous êtes du Christ, vous êtes la postérité d’Abraham, les héritiers selon la promesse[2] ». Nous avons donc reçu tous la bénédiction de Dieu en Abraham, en Isaac, et en Jacob. Car Dieu a béni un certain arbre, il en a fait un olivier, comme l’a dit l’Apôtre, cet arbre des saints Patriarches, dont la fleur a été le peuple de Dieu. Or, cet olivier a été taillé et non arraché, les branches orgueilleuses en ont été retranchées ; c’est-à-dire les blasphémateurs, les impies du peuple Juif. Il est resté des branches bonnes et utiles ; puisque c’est de là que sont venus les Apôtres ; et comme ces branches utiles étaient demeurées, la divine miséricorde y a greffé cet olivier sauvage des Gentils à qui l’Apôtre a dit : « Pour toi qui u n’étais qu’un olivier sauvage, tu as été inséré sur l’olivier franc, et tu as part à la sève de l’olive. Ne t’élève point contre les branches. Si tu te glorifies, ce n’est point toi qui portes la racine, mais la racine qui te porte[3] ». Tel est l’arbre unique appartenant à Abraham, à Isaac, à Jacob, et je dirai même que l’olivier sauvage qui a été greffé, tient plus d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, que les branches retranchées. Une fois rompues, ces branches ne sont plus de l’arbre, tandis que l’olivier sauvage, qui n’en était pas, en est maintenant ; les unes, par leur orgueil, ont mérité d’être retranchées, tandis que l’autre par son humilité a mérité d’être inséré : les unes sont séparées de la racine, l’autre s’y tient attaché. Dès lors, quand vous entendez nommer l’Israël de Dieu, Israël qui appartient à Dieu, ne vous regardez point comme étrangers. Vous étiez, il est vrai, l’olivier sauvage, maintenant vous êtes l’olivier franc, ayant part à la sève de l’olivier. Voulez-vous voir comment l’olivier sauvage a été inséré en Abraham, en Isaac, et en Jacob, afin de ne point croire que vous n’appartenez point à cet arbre, parce que vous n’êtes point de la postérité d’Abraham selon la chair ? Quand le Sauveur admira la foi de ce Centenier, qui n’appartenait point au peuple d’Israël, mais au peuple des Gentils, il s’écria : « C’est pourquoi, je vous le dis, beaucoup viendront de l’Orient et de l’Occident ». Voilà bien le sauvageon dans la main de celui qui va le greffer : « Beaucoup viendront de l’Orient et de l’Occident ». Nous voyons ce qu’il va greffer, mais voyons où il va le greffer : « Et ils reposeront », dit-il, « avec Abraham, Isaac

  1. Exod. 3,15
  2. Gal. 3,29
  3. Rom. 11,17-18