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grandes persécutions. Mais si de la barbe ce parfum n’était descendu plus bas encore, nous n’aurions point aujourd’hui de monastères, Nous en avons, parce qu’il est descendu sur le bord du vêtement : car c’est ainsi que dit le psaume : « Qui est descendu sur le bord de son vêtement ». Voilà que l’Église a suivi, et du vêtement du Seigneur a fait éclore des monastères. Car le vêtement sacerdotal est le symbole de l’Église. Telle est la robe dont l’Apôtre a dit que le Christ a voulu « faire paraître devant lui une Église pleine de gloire, sans tache et sans ride[1] ». Elle est purifiée, afin de n’avoir aucune tache ; elle est étendue, afin de n’avoir aucune ride. Où donc ce divin foulon l’a-t-il étendue, sinon sur la croix ? Nous voyons chaque jour les foulons qui mettent les manteaux en croix, en quelque sorte, afin qu’étendus sur des croix, ils n’aient aucune ride, Qu’est-ce donc que le bord du vêtement ? Oui mes frères, que faut-il comprendre par les bords du vêtement ? Le bord, c’est la fin du vêtement. Or, que faut-il comprendre par cette fin ? Que l’Église, à la fin des temps, aura des frères qui habiteront ensemble ou en un ? Ou bien ce bord ne désignerait-il pas la perfection, car c’est le bord qui achève le vêtement, et alors ceux-là seraient parfaits parce qu’ils sauraient habiter en un ? Mais ceux-là sont parfaits qui accomplissent la loi. Or, comment la loi du Christ est-elle accomplie en ces frères qui demeurent ensemble ? Écoute l’Apôtre : « Portez mutuellement vos fardeaux, et ainsi vous accomplirez la loi du Christ[2] ». Tel est le bord du vêtement. Toutefois, mes frères, comment pouvons-nous comprendre que tel est le bord du vêtement, dont parle notre psaume, et où descend le parfum ? Je ne crois pas qu’il soit ici question des bords qui forment les côtés du vêtement. Il y a des bords en effet sur les côtés. Mais de la barbe, le parfum a pu descendre sur le bord qui est près de la tête, et où s’ouvre le passage de la tête. C’est l’état de ceux qui demeurent ensemble : en sorte que de même que c’est par ces bords que passe la tête de l’homme qui veut se vêtit, de même le Christ qui est notre tête, entre chez nous par la concorde fraternelle, afin que nous nous revêtions de lui, et que son Église lui demeure unie.
10. Que dit encore le Prophète ? « Comme la rosée d’Hermon qui descend sur les montagnes de Sion[3] ». Dans ces paroles, mes frères, le Prophète veut nous marquer que la grâce de Dieu est parmi les frères qui demeurent en un : que ce n’est point un effet de leurs forces, ni de leurs mérites, mais que c’est par un don de Dieu, une de ses grâces, comme la rosée qui nous vient du ciel. Car ce n’est point la terre qui peut se la donner, et tout ce qu’elle produit sécherait bientôt, si la pluie ne venait d’en haut. Il est dit quelque part dans un psaume : « Vous ménagez, ô Dieu, une pluie volontaire à votre héritage[4] ». Pourquoi dire volontaire ? C’est qu’elle n’est point due à nos mérites, et qu’elle nous vient de sa bienveillance. Quel bien avons-nous pu mériter, nous qui sommes pécheurs ? Quel bien avons-nous pu mériter, au milieu de nos iniquités ? Adam vient d’Adam, et sur cet Adam beaucoup de péchés. Qu’un homme vienne au monde, c’est Adam qui vient au monde, un damné qui vient d’un damné, et qui surcharge Adam par les péchés de sa vie. Or, quel bien a mérité Adam ? Et toutefois Dieu dans sa miséricorde a aimé, l’Époux a aimé cette Épouse, qui n’était point belle, mais qu’il voulait embellir. C’est donc la grâce de Dieu que le Prophète appelle la rosée d’Hermon.
11. Mais vous devez savoir ce qu’est Hermon. C’est une montagne assez éloignée de Jérusalem ou de Sion. Dès lors il y a de quoi nous surprendre dans cette parole du Prophète : « Comme la rosée d’Hermon qui descend sur les montagnes de Sion », puisque la montagne d’Hermon est éloignée de Jérusalem, et qu’elle est, dit-on, au-delà du Jourdain. Cherchons donc un sens dans la signification d’Hermon. C’est un nom hébreu, dont le sens nous est donné par ceux qui savent cette langue. Or, Hermon signifie lumière élevée. Du Christ nous vient la rosée, puisque nul autre que le Christ n’est une lumière élevée. Comment dès lors est-il une lumière élevée ? D’abord sur la croix, ensuite dans le ciel. Il a été élevé sur la croix quand il s’est humilié ; mais son humiliation n’a pu être que relevée. Ce qu’il y avait de l’homme diminuait de plus en plus, comme il est arrivé à Jean ; mais ce qui était de Dieu devait croître eu Jésus-Christ Notre-Seigneur : c’est encore

  1. Eph. 5,27
  2. Gal. 6,2
  3. Ps. 132,3
  4. Id. 67,10