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18. « Le Seigneur a juré à David dans sa vérité, et il ne s’en repentira point[1] ». Qu’est-ce à dire : « Il a juré ? » Il a confirmé sa promesse par lui-même. Qu’est-ce à dire : « Il ne s’en repentira point ? » Il ne changera point. Car Dieu n’est touché d’aucune douleur de repentir, et il ne se trompe en rien, pour avoir besoin de corriger ses actes. Mais de même que chez l’homme le repentir lui fait changer ses actes, de même quand on dit que Dieu se repent, on doit attendre quelque changement. Mais ce changement se fait autrement en Dieu, bien qu’il conserve le nom de repentir, et autrement en toi. Tu le fais, toi, parce que tu t’es trompé ; mais Dieu le fait, parce qu’il veut châtier ou délivrer. Quand il se repentit d’avoir élevé Saül à la royauté, il le changea, ainsi, qu’il est écrit. Et dans le même endroit l’Écriture dit : « Il se repentit » ; et néanmoins un peu après elle ajoute que « Dieu n’est point semblable à l’homme pour se repentir[2] ». Dès lors quand, par le conseil de son immuable sagesse, il vient à changer ses œuvres, ce changement non dans ses desseins, mais dans ses œuvres, se nomme repentir. Mais la promesse faite à David ne doit point être changée. De même qu’il est dit encore : « Le Seigneur l’a juré, et ne s’en repentira point : tu es prêtre pour l’éternité selon l’ordre de Melchisédech[3] ». De même, comme la promesse qu’il a faite est sans changement, et doit nécessairement subsister à jamais, le Prophète a dit : « Le Seigneur a juré à David dans sa vérité et il ne s’en repentira point ; je mettrai sur ton trône le fruit de tes entrailles[4] ». Le Prophète pouvait dire tout aussi bien : Le fruit de tes reins ; pourquoi dès lors a-t-il voulu dire, « le fruit de tes entrailles ? ». En parlant ainsi il eût dit vrai ; mais il a préféré dire « le fruit de vos entrailles », afin de nous mieux préciser que le Christ est né d’une femme sans la participation d’aucun homme.
19. Pourquoi donc ? « Le Seigneur a juré à David dans sa vérité : Je placerai sur ton trône le fruit de tes entrailles ; si tes enfants gardent mon alliance, et mes témoignages que je leur enseignerai, leurs enfants seront à jamais assis sur ton trône ». Si tes enfants sont fidèles à mon alliance, leurs enfants seront osais à jamais. Les pères méritent pour les enfants. Mais qu’arriverait-il, si les fils de David gardaient l’alliance, et non les petits-fils ? Pourquoi le bonheur des enfants est-il dû aux mérites des pères ? Que dit en effet le Prophète ? « Si tes enfants gardent mes témoignages, leurs enfants seront assis pour l’éternité ». Il ne dit point : Si tes enfants gardent mon alliance, ils s’assiéront sur ton trône ; et si leurs enfants la gardent à leur tour, ils seront de même assis sur ton trône ; mais il dit : « Si tes enfants gardent mon alliance, leurs enfants seront assis sur ton trône ». À moins que le Prophète, par leurs enfants, n’entende leurs œuvres. « Si tes enfants », est-il dit, « gardent ma loi, et les préceptes que je leur enseignerai, leurs enfants seront assis sur ton trône » ; c’est-à-dire, le fruit de leurs œuvres sera de s’asseoir sur ton trône. Maintenant, en effet, mes frères, nous tous qui travaillons dans le Christ, nous tous qui tremblons à sa parole, qui nous efforçons par tous les moyens d’accomplir sa volonté, qui gémissons en lui demandant de nous aider à pratiquer ce qu’il commande, sommes-nous donc assis déjà sur ces trônes de félicité qui nous sont promis ? Nullement ; mais dans l’espérance de cet avenir nous observons les préceptes. C’est à cette espérance que l’on donne le nom de fils, puisque pour l’homme qui vit ici-bas, l’espérance est dans les enfants, le fruit dans les enfants encore. Aussi pour abriter leur avarice, les hommes disent-ils qu’ils font des économies pour leurs enfants : leur refus à quelque pauvre est couvert du voile de la piété, car leurs enfants sont leur espérance. Car tous les hommes qui vivent selon l’esprit du monde, ont l’espoir, disent-ils, d’avoir des enfants, de les laisser après eux. C’est dans ce sens que le Prophète donnerait le nom de fils à leur espérance, quand il dit : « Si vos enfants gardent mon alliance et les préceptes que je leur enseignerai, leurs fils seront assis éternellement sur votre trône » ; c’est-à-dire que leur fidélité portera des fruits tels que leur espérance ne sera point illusoire, et qu’ils arriveront où ils espèrent arriver. Donc ici-bas les hommes qui ont de l’espérance dans l’avenir, sont en quelque sorte des pères ; et ils sont comme des enfants quand ils ont acquis ce qu’ils espéraient, et ont en quelque sorte enfanté, engendré par leurs œuvres ce qu’ils possèdent. C’est là ce qui

  1. Ps. 131,11
  2. 1 Sa. 15,11-29
  3. Ps. 109,4
  4. Id. 131,12