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tendu pour menacer, mais non encore pour frapper. Voyez ce qu’il y a sur cet arc : ce sont des flèches. Ne doivent-elles pas être lancées en avant, et pourtant c’est par-derrière que le nerf se tend ; c’est du côté opposé à celui où l’on doit envoyer la flèche : plus on tire le nerf en arrière, plus impétueuse, plus agile est la flèche pour atteindre le but. Par la même raison, le jugement de Dieu fondra sur nous d’autant plus inopinément et plus terrible qu’il aura été différé davantage. Il nous faut donc rendre grâces à Dieu de ce qu’il nous éprouve en ce monde, puisqu’il fait voir à son peuple un signe qui l’avertit « de fuir de devant l’arc ». À la suite de cet avertissement salutaire, les fidèles tourmentés par les peines de la vie, deviendront dignes d’échapper à la peine du feu éternel, réservé à tous ceux qui ne croient point à ces vérités. « Vous avez donné un signe à ceux qui vous craignent, afin qu’ils prennent la fuite et s’écartent de l’arc ».
7. « Afin que vos bien-aimés soient délivrés. Sauvez-moi par votre droite, et exaucez-moi ». Seigneur, sauvez-moi par votre droite : sauvez-moi de manière que je sois placé à la droite. « Sauvez-moi par votre droite ». Je ne vous demande point mon salut temporel ; qu’à cet égard votre volonté soit faite. Nous ignorons complètement ce qui nous est avantageux pour cette vie ; nous ne savons ce qu’il faudrait demander[1]. Mais « sauvez-moi par votre droite », en sorte qu’après avoir été éprouvé, s’il le faut, pendant le cours de mon existence terrestre, je puisse du moins voir se dissiper les ombres épaisses de la tribulation, me trouver à votre droite, au milieu de vos brebis, et éviter le malheur d’être placé à votre gauche avec les boucs. « Sauvez-moi par votre droite, et exaucez-moi ». Je ne vous demande que ce que vous désirez vous-même me donner : ce n’est point avec la voix de mes péchés que je crie vers vous et le jour et la nuit, pour que vous ne m’écoutiez pas, et que vous ne me répondiez pas, afin d’ajouter à ma folie[2]. Je crie vers vous, pour que vous me donniez une salutaire instruction, en ajoutant à mon humiliation la saveur du sel : par là, mes tribulations m’apprendront ce que je dois vous demander : aussi, je vous demande la vie éternelle ; exaucez-moi donc, puisque mon plus vif désir est d’être placé à votre droite. Que votre charité veuille bien le remarquer : tout fidèle qui garde dans son cœur la parole de Dieu, qui éprouve à l’égard du jugement à venir la crainte la plus vive, et qui vit avec assez de prudence pour ne point donner aux autres l’occasion de blasphémer le saint nom de Dieu à cause de lui, ce fidèle adresse souvent au Seigneur des prières pour obtenir des avantages temporels, et il n’est pas exaucé : quand, au contraire, il sollicite ce qui peut le conduire à la vie éternelle, il parvient toujours au comble de ses désirs. Y a-t-il un seul malade qui ne souhaite pas revenir à la santé ? Néanmoins, il lui est peut-être utile de souffrir encore. Il est possible que Dieu repousse les demandes que tu lui adresses pour ta guérison ; mais s’il refuse d’accéder à tes désirs, c’est afin de pourvoir àton plus grand bien. Quand, au contraire, tu lui demandes la grâce de la vie éternelle, la faveur d’être admis dans le royaume des cieux et d’être placé à la droite de son Fils, lorsqu’il viendra juger les vivants et les morts, sois tranquille sur le résultat de ta prière : si elle n’est pas exaucée aujourd’hui, elle le sera infailliblement plus tard, parce que le moment d’y donner suite n’est pas encore venu. Ta demande est déjà exaucée, mais tu ne t’en aperçois pas encore : ce que tu désires se fait, quoique tu ignores la manière dont il se fait : l’effet de ta prière existe, comme la sève, encore renfermée dans la racine de l’arbre, avant de produire des fruits. « Sauvez-moi par votre droite et exaucez-moi ».
8. « Dieu a parlé dans son saint ». Peux-tu douter de l’accomplissement des paroles du Tout-Puissant ? Si tu avais un ami sage et sérieux, comment t’exprimerais-tu à son égard ? Il a dit cela ? il fera ce qu’il a dit, c’est immanquable, car c’est un homme sérieux ; il ne parle pas à la légère ; quand il a promis une chose, il y tient, parce qu’il ne change pas facilement d’avis. Pourtant ce n’est, en définitive, qu’un homme ; il peut avoir la volonté d’accomplir ses promesses ; sera-t-il toujours à même de n’y pas manquer ? en aura-t-il toujours le pouvoir ? Mais, du côté de Dieu, il n’y a rien à craindre, parce qu’il est la vérité même et qu’il possède – la souveraine puissance ; il est sûr ; il ne peut te tromper ; rien ne dépasse son pouvoir. Pourquoi donc craindre d’être déçu dans tes espérances ? Tu as

  1. Rom. 8,26
  2. Ps. 21,2-3