nous donne ce que nous devons vous communiquer, car il est le Maître et nous les serviteurs, c’est à vous de recevoir ses dons de manière à faire voir dans votre conduite le fruit que vous tirerez de nos discours. En effet, le champ que l’on cultive, et qui ne produit rien de bon, le champ qui ne récompense point le cultivateur et lui donne des épines au lieu de moissons abondantes, ne verra jamais sa récolte enfermée dans les greniers du Père de famille : elle sera jetée au feu. Le Seigneur, notre Dieu, daigne répandre sur notre cœur la rosée fécondante de sa parole, comme il répand sur les campagnes d’abondantes ondées, parce que notre cœur est comme un champ qui lui appartient : et il a droit d’en attendre du fruit, puisqu’il sait quelle semence et quelles pluies il y a fait tomber. En réalité, nous ne sommes rien sans lui : nous n’étions rien avant qu’il nous eût créés ; et quiconque, devenu homme, prétend se passer de lui, n’est autre, en fin de compte, qu’un homme pécheur : c’est donc avec raison que le Prophète a dit : « Je vous garderai ma force ». Puisque toute cette force, nous la conservons avec lui et pour lui, et que nous la perdons en nous en éloignant, notre âme doit donc toujours veiller, non pas seulement à ne pas s’éloigner de lui, mais encore, si elle en est éloignée, à se diriger vers lui et à s’en approcher chaque jour davantage ; pour cela, elle n’a besoin ni de marcher vite, ni d’employer le secours de chariots, ni de monter un coursier agile, ni de se servir de grandes ailes : la pureté des affections et des mœurs irréprochables et saintes, voilà ce qui est nécessaire pour s’approcher de Dieu.
2. Achevons d’expliquer notre psaume. Nous nous sommes arrêté à l’endroit où le Prophète commence à parler à Dieu de ses ennemis, et lui dit : « Ne les tuez point, Seigneur, de peur qu’on oublie votre loi. »[1] Il leur donnait le nom d’ennemis, et, pourtant, il priait le Seigneur de ne point les tuer, dans la crainte de voir oublier sa loi. Se souvenir de la loi divine, c’est-à-dire ne pas l’oublier, ce n’est encore ni la perfection, ni l’assurance d’être récompensé, ni une garantie contre les supplices éternels. Il en est qui gardent le souvenir de la loi, mais qui ne la pratiquent pas ; ceux, au contraire, qui l’accomplissent, eu conservent la mémoire. Aussi, quand un homme remplit tous les devoirs à lui imposés par Dieu, quand il s’efforce incessamment de ne point laisser effacer de la mémoire de son cœur ce qu’il sait de la loi du Seigneur, et que par toute sa conduite il se rappelle à chaque instant les préceptes que l’Eternel y a tracés, cet homme connaît utilement la loi divine, et il ne sera pas considéré comme un ennemi du Très-Haut. Les Juifs sont les ennemis de Jésus-Christ ; le Psalmiste semble les désigner ici : ils ont la loi de Dieu entre les mains, ils la conservent ; voilà pourquoi le Prophète adresse au Seigneur cette prière : « Ne les tuez pas, de peur qu’on oublie votre loi ». Il demande que la nation juive subsiste toujours, et que, ce peuple continuant à subsister, le nombre des chrétiens s’accroisse tous les jours. C’est un fait indiscutable ; on rencontre des Juifs au milieu de tous les autres peuples ; ils sont toujours tels, et n’ont pas cessé d’être ce qu’ils étaient ; c’est-à-dire, que cette nation n’est point passée sous la domination romaine de manière à perdre son autonomie ; mais en pliant sous le joug de l’empire, elle a conservé ses lois, qui sont les lois divines. Mais comment les observe-t-elle ? « Vous payez la dîme de la menthe, de l’aneth et du cumin, et vous négligez ce qu’il y a de plus important dans la loi, à savoir : la justice, « la miséricorde et la foi. Vous avez grand soin de filtrer ce que vous buvez, dans la crainte d’avaler un moucheron, et vous avalez un chameau »[2]. Ainsi leur parle le Seigneur ; et, de fait, ils agissent de la sorte ; ils conservent entre leurs mains la loi et les Prophètes, ils lisent et chantent toutes ces paroles saintes, et ils n’y voient point désigné le Christ lui-même, qui est la lumière des Prophètes. Non seulement ils ne l’aperçoivent pas, maintenant qu’il est dans le ciel ; ils ne l’ont pas même reconnu, quand il vivait dans l’humiliation au milieu d’eux, et qu’ils sont devenus coupables à son égard en répandant son sang ; toutefois, je n’entends point parler d’eux tous. C’est ce que je vous prie, mes frères, de bien remarquer aujourd’hui. J’ai dit qu’il n’est pas question de tous les Juifs, parce que beaucoup d’entre eux se sont convertis à celui qu’ils avaient fait mourir, ont cru en lui, et mérité, de sa part, le pardon de leur déicide ; par là ils ont montré aux hommes
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