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traité fièrement, s’il m’avait menacé de me faire tout le mal possible, je me serais peut-être dérobé à ses invectives. Qu’une personne, vivant hors de l’Église, te persécute, où te réfugieras-tu pour lui échapper ? Au milieu des membres de ta communion. Mais, dans le cas présent, te reste-t-il autre chose à faire qu’à te retirer dans la solitude ? « Mais toi », continue-l-il, « toi qui étais un même cœur « avec moi, toi qui étais mon ami et mon « guide ! » Autrefois, peut-être, tu m’as donné des conseils, tu m’as servi de guide, tu m’as aidé par de salutaires avertissements ; nous avons vécu ensemble dans l’Église de Dieu : a Mais toi, qui étais un même cœur avec moi, « toi qui étais mon ami et mon guide, toi ((qui prenais en ma société d’agréables « repas ! » Quels sont ces repas, ces aliments si doux ? Tous ceux qui se trouvent ici ne le savent pas ; pour ceux qui en ont été instruits, ils ne doivent pas s’en prévaloir avec aigreur ; ils doivent pouvoir dire à ceux qui l’ignorent : « Goûtez et voyez combien le Seigneur est a doux. Tu prenais en ma société d’agréables « aliments ; nous avons marché d’un même a pas dans la maison du Seigneur ». D’où est donc venue cette pénible mésintelligence ? Elle est venue de celui qui était dans l’Église et qui en est sorti. Il avait marché d’un même pas avec moi dans la maison du Seigneur ; depuis, il a bâti une autre maison contre celle de Dieu. Pourquoi a-t-il abandonné celle où nous marchions ensemble d’un même pas ? pourquoi s’est-il éloigné de celle où nous prenions tous deux de si doux aliments ?
16. « Que la mort les surprenne et qu’ils « descendent vivants dans l’enfer ». C’est ainsi que le Prophète rappelle à notre souvenir les origines du schisme d’Israël ; voilà comment il nous remet en mémoire l’époque où des orgueilleux se séparèrent de ce premier peuple de Dieu, et prétendirent faire des sacrifices en dehors du temple ; une mort d’un genre nouveau vint les frapper ; la terre s’entr’ouvrit sous leurs pas et les engloutit tout vivants[1]. « Que la mort », dit-il, « les surprenne, et qu’ils descendent tout vivants dans l’enfer ». Que veut dire le mot « vivants ? » Qu’ils sachent qu’ils vont périr, et que néanmoins ils périssent. Périr vivant, être englouti dans les abîmes de la terre, veut donc dire ici : être dévoré, consumé par les passions terrestres.
Tu dis à un homme : Mon frère, pourquoi souffres-tu ? Nous sommes frères, nous invoquons le même Dieu, nous croyons au même Christ, nous lisons le même Évangile, nous récitons le même psaume, nous répondons le même Amen, nous chantons le même Alléluia, nous célébrons la même pâque ; pourquoi donc es-tu hors de l’Église, tandis que je suis un de ses membres ? Pressé par ces raisons ; touchant en quelque sorte du doigt la vérité de ce qu’on lui dit, cet homme répond : Que Dieu rende à nos ancêtres selon leurs œuvres. N’est-il pas vrai qu’il meurt tout vivant ? Tu le presses davantage et tu ajoutes : C’est bien assez que tu aies eu le malheur de te séparer de nous ; faut-il y ajouter celui d’un second baptême ? J’ai autant que toi, avoue-le ; mais tu me détestes ; pourquoi détester en moi le Christ ? De telles gens reconnaissent souvent leur infortune ; ils en gémissent et ils disent : Nous te comprenons bien, nous faisons mal ; ah ! si seulement nous pouvions agir d’autre manière ! Mais pouvons-nous changer les choses établies par nos ancêtres ? « Qu’ils descendent vivants a dans les enfers ! » Si tu mourais avant d’y descendre, saurais-tu ce que tu fais ? Mais, puisque tu n’ignores pas que tu fais le mal, et que néanmoins tu persistes à le vouloir faire, ne descends-tu pas tout vivant dans les enfers ? Mais pourquoi la terre s’est-elle entr’ouverte seulement sous les pas des chefs pour les engloutir, tandis que le feu du ciel est tombé sur le peuple qui les suivait, et l’a consumé tout entier[2] ? Le Psalmiste, en nous rappelant ce châtiment, nous parle d’abord de la punition du peuple, puis de celle des chefs de la sédition. « Que la mort descende sur eux ! » Voilà pour ceux sur lesquels le feu du ciel est tombé ; aussitôt il ajoute : « Qu’ils soient précipités vivants dans l’enfer ». Par là il veut désigner ceux que la terre engloutit tout vivants dans ses abîmes. Il commence par les plus petits pour finir par les plus grands. « Que « la mort descende » sur ceux qui ont écouté et suivi les séditieux. Pour les chefs et les princes, « qu’ils soient précipités tout vivants a dans les enfers », parce que les Écritures sont entre leurs mains, et parce qu’en les lisant tous les jours ils ont appris que l’Église

  1. Nb. 16, 1-33
  2. Nb. 16, 47