mais inquiet du côté des autres, il s’écrie : « J’attendais celui qui devait me « délivrer du découragement et de la tempête ». Te voilà exposé aux flots de la mer, à la fureur des vents : tu n’as plus qu’une ressource, c’est de crier : « Seigneur, je « péris[1] ». Daigne celui qui marche sur les eaux sans trembler, te tendre une main secourable ! Puisse-t-il te soutenir au milieu de tes alarmes, établir solidement sur lui-même ta sécurité, te parler Intérieurement et te dire : Jette les yeux sur moi ; rappelle-toi ce que j’ai moi-même enduré ! Si tu es condamné à endurer un frère méchant ou un ennemi étranger, n’ai-je pas eu le même sacrifice à faire ? Au-dehors, les Juifs frémissaient de rage contre moi : au dedans, j’étais trahi par un de mes disciples. La tempête est déchaînée ; mais « il délivre de la crainte et de la tempête ». Les vents et les vagues secouent ton esquif : n’est-ce point parce qu’il dort en ton cœur ? Une mer furieuse ballottait la barque conduite par les disciples : pendant ce temps-là, Jésus dormait. À la fin, il leur vint en pensée que celui qui dormait au milieu d’eux, était le Créateur et le Maître des vents : ils s’approchèrent donc du Christ et l’éveillèrent : aussitôt il commanda aux vents, et à la tempête succéda un grand calme[2]. Si ton cœur est en proie à l’agitation, faut-il s’en étonner ? Tu as perdu le souvenir de celui en qui tu crois : tu manques de patience pour souffrir, parce que tu oublies ce que le Christ a souffert pour toi. Si le Christ n’occupe point les pensées, il dort : éveille-le, ranime ta foi. Il dort en toi, dès que tu oublies ses souffrances ; quand tu en gardes la mémoire, il y veille. Que si tu t’appliques de tout ton cœur à la considération de ses souffrances, ne supporteras-tu pas les tiennes avec patience, et même avec bonheur ? Ne seras-tu pas heureux d’avoir quelque ressemblance avec ton roi humilié et persécuté ? Les consolations et la joie que tu puiseras dans cette pensée, seront, pour toi, la preuve que le Christ s’est levé, qu’il a commandé aux vents et que le plus grand calme a succédé à la tempête. « J’attendais celui qui devait me délivrer de a mes alarmes et de la tempête ».
11. « Seigneur, précipitez-les dans les abîmes, et divisez leurs langues[3]». Expression d’un désir et non d’un mouvement de colère de la part du Prophète : car, mes frères, il avait jeté les yeux sur ceux qui le persécutaient et noircissaient sa réputation. A ceux qui se sont élevés pour le mal, il est utile d’être profondément abaissés ; pour ceux qui ont malicieusement conspiré, il est avantageux que « leurs langues soient divisées » ; qu’ils s’accordent pour le bien et qu’ils parlent tous le même langage. « Tous mes ennemis », dit-il ailleurs, « murmuraient ensemble contre moi[4] ». Qu’ils perdent cet accord pour le mal ; que leurs langues soient divisées ; qu’ils ne s’entendent plus. « Seigneur, précipitez-les dans les abîmes, et divisez leurs langues ». « Précipitez-les dans les abîmes » : pourquoi ? parce qu’ils se sont élevés. « Divisez » : pourquoi ? parce qu’ils ont méchamment conspiré. Souviens-toi de cette tour bâtie par les orgueilleux après le déluge : quel fut leur langage ? « Pour qu’un « nouveau déluge ne nous engloutisse pas, élevons une haute tour[5] ». Ils se croyaient bien abrités contre le bras de Dieu par leur orgueil ; ils bâtirent une tour élevée, et le Seigneur divisa leurs langues ; ils commencèrent à ne plus s’entendre, et c’est alors que se forma la multitude des langues. Une seule langue avait jusque-là régné dans le monde ; l’unité de langage était utile aux hommes qui s’accordaient pour le bien et demeuraient dans l’humilité ; mais lorsque leur réunion dégénéra en une assemblée de conspirateurs, Dieu prit pitié d’eux et divisa leurs langues, afin qu’ils ne fussent plus à même de se comprendre et de former une société mauvaise. Les langues ont donc été divisées par l’orgueil des hommes ; elles ont été réunies par l’humilité des Apôtres ; l’esprit d’orgueil fut la cause de leur division : l’Esprit-Saint fut le principe de leur réunion. Lorsqu’en effet le Saint-Esprit descendit sur les disciples du Sauveur, ils parlèrent toutes les langues, tout le monde les comprit ; auparavant dispersées, les langues se rassemblèrent. Si donc les hommes agissent encore par méchanceté, s’ils sont encore païens, il est bon pour eux que leurs langues soient dans la confusion ; mais s’ils veulent ne parler qu’une seule langue, qu’ils viennent tous dans le giron de l’Église : ils y rencontreront sans doute une grande diversité dans la manière de parler, mais aussi, ils y rencontreront la même foi, parlant a leurs
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