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Par là, j’ai compris que votre nom est bon. Si j’avais pu le connaître avant d’être éprouvé par la tribulation, elle ne m’aurait pas sans doute été nécessaire ; mais Dieu l’a permise pour me donner un salutaire avertissement : une fois averti, j’ai loué votre saint nom. En effet, je n’aurais point su où je me trouve, si je n’avais appris à connaître ma faiblesse. Vous m’avez donc délivré de toutes mes peines, « et j’ai porté mes regards sur mes ennemis ». J’ai considéré ces Ziphéens : mon cœur s’est élevé au-dessus de leur éphémère beauté ; j’ai passé outre et je suis parvenu jusqu’à vous : de là, j’ai jeté les yeux sur ces Ziphéens, et j’ai vu que « toute chair est pareille à l’herbe des champs », et que « tout l’éclat de l’homme ressemble à l’éclat de la fleur champêtre[1] » C’est ce que le Prophète avait déjà dit ailleurs : « J’ai vu u l’impie élevé comme les cèdres du Liban j’ai passé, et il n’était déjà plus ». « Il n’était déjà plus ». Pourquoi ? Parce que tu étais passé : tu étais passé, parce que tu n’avais pas inutilement entendu ces paroles : Élevé ton cœur ; parce que tu n’étais pas resté sur la terre où tu pouvais te corrompre ; parce que tu avais élevé ton âme jusqu’à Dieu ; parce que tu t’étais élevé au-dessus des cèdres du Liban. De la hauteur où tu t’étais placé, tu avais jeté les yeux sur l’impie, et il n’était déjà plus. Tu l’avais cherché, et il était devenu impossible de le trouver. Tu n’es plus désormais sujet à souffrir, parce que tu es entré dans le sanctuaire de Dieu, et que tu as pénétré les mystères de l’avenir. Telle est la conclusion que tire le Psalmiste : « Et j’ai porté mes regards sur mes ennemis ». Efforcez-vous donc, mes frères, d’entrer dans les mêmes dispositions d’esprit : ouvrez vos cœurs, rendez plus clairvoyants les yeux de votre âme, apprenez à aimer Dieu d’une manière gratuite, à mépriser le temps présent, à offrir à Dieu un sacrifice volontaire de louanges, afin qu’après vous être placés au-dessus de l’éclat passager des mondains, vous puissiez dominer du regard tous vos ennemis.


DISCOURS SUR LE PSAUME 54

SERMON AU PEUPLE.

AMOUR DE DIEU ET DU PROCHAIN.

Figuré par David, le chrétien se trouve environné de méchants ; dans ses pénibles épreuves, il a recours à la prière, à l’espérance, à la patience et au pardon. Ses sens se révoltent à la pensée des mauvais traitements auxquels il est en butte ; mais, loin de s’ouvrir à la haine, son cœur s’ouvre à la charité il voudrait mourir, mais l’amour pour le prochain te retient ici-bas. Obligé de rester au milieu de ses ennemis, il se retire du moins dans la solitude de sa conscience, mais il n’y rencontre que le trouble ; alors il recourt de nouveau à la prière, à une prière animée par le pur amour de la gloire de Dieu et la confiance en lui. Son amour pour Dieu lui fait désirer la punition et l’aveuglement de ceux qui le détestent et l’oublient : sa confiance lui fait demander, pour lui-même, d’être éclairé et affermi dans la foi.


1. Le titre de ce psaume est : « Pour la fin, dans les hymnes, intelligence à David[2] ». Quelle est cette fin ? Nous allons vous l’expliquer, mais en peu de mots, parce que vous le savez déjà. « Jésus-Christ est la fin de la loi, pour justifier tous ceux qui croient en lui[3] ». Dirigeons donc notre intention vers cette foi ; dirigeons-la vers Jésus-Christ. Pourquoi est-il appelé notre fin ? Parce que nous devons lui rapporter tout ce que nous faisons, et que, quand nous serons parvenus à le posséder, nous n’aurons plus rien, ni à désirer, ni à acquérir. Il y a deux sortes de fins : l’une qui consiste à périr ; l’autre à se perfectionner : on entend ce mot dans un sens ou dans l’autre, suivant les circonstances. Ainsi, quand on dit : Cette viande est finie, on ne donne pas au

  1. Isa. 40,6
  2. Ps. 54,1
  3. Rom. 10,4