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Pendant que tu renfermes ton trésor dans ton cœur, et que tu es caché parmi les Ziphéens, pendant que tu conserves aussi en secret l’espoir de ton éternelle récompense, s’il t’arrive d’occuper dans le monde un poste élevé, n’en conçois aucun orgueil, car l’orgueil que tu en ressentirais, te précipiterait dans l’éphémère vanité des Ziphéens. Imite plutôt l’exemple d’Esther, de cette sainte femme qu’admira autrefois le peuple juif. Mariée à un roi étranger, elle apprit à quel péril se trouvait exposée toute sa nation, et la nécessité urgente d’intercéder auprès du souverain en faveur d’Israël : elle se mit donc en prière, et, pendant son oraison, elle confessa à Dieu que tous ses ornements royaux n’avaient pas à ses yeux plus de prix qu’un vêtement de femme souillé par la menstruation[1]. Des hommes ne pourraient-ils pas faire ce que font des femmes, et l’Église chrétienne aurait-elle moins de force que cette femme juive ? Je dirai donc à votre charité : « Si les richesses vous surviennent en abondance, n’y arrêtez point votre cœur[2] ». Si abondantes qu’elles soient, si grande que soit ici-bas ta prospérité, ne te fie pas à cette mer, ne te fie point à ses apparences séduisantes. Si tu deviens riche, et que ta fortune s’accroisse sans cesse, foule aux pieds les biens de la terre, attache ton cœur à Dieu. En t’élevant au-dessus d’eux, et donnant à Dieu tes affections, tu ne seras pas exposé à tomber lorsqu’ils manqueront sous tes pieds. Ainsi il ne t’arrivera point, par le fait d’une pensée déréglée et peu chrétienne, ce qui est marqué en un autre psaume. Après avoir parlé de l’éclat des Ziphéens, le Prophète ajoute : « Vos pensées sont étrangement profondes ». Oui, je le répète : « Vos pensées sont étrangement profondes : l’imprudent ne les comprendra pas ; l’insensé n’en saisira pas le sens »[3]. Qu’est-ce qu’il ne comprendra pas ? le voici : « Les méchants s’élèveront comme l’herbe, et tous ceux qui commettent l’iniquité paraîtront ; et, finalement, ils périront à jamais dans la suite de tous les siècles ». L’éclat des méchants les a fascinés, et ils ont dit en eux-mêmes : Les méchants sont en honneur ; à ce trait, il me semble que Dieu les aime. Entraînés alors par le désir de partager la gloire temporelle des méchants, ils se sont précipités dans le mal, et leur perte ne sera point de quelques instants, comme leur éclat, mais elle durera autant que les siècles des siècles. En voici la raison : L’imprudent ne comprendra pas, et l’insensé ne pénétrera pas les secrets de l’avenir, parce qu’il n’entre pas dans le sanctuaire du Seigneur pour en avoir l’intelligence ; et, parce que cette intelligence est difficile à acquérir, ce psaume commence par nous faire voir David caché au milieu des Ziphéens, ne désirant nullement leur éclat, mais surtout pratiquant l’humilité, afin de posséder en Dieu une beauté secrète et cachée, Quel est donc le titre de ce psaume ? Qu’y est-il dit de David ? : « Pour la fin, dans les hymnes » c’est-à-dire, dans les louanges. Et quelles louanges ? « Le Seigneur me l’a donné, le Seigneur me l’a ôté ; il a été fait selon son bon plaisir : que son saint nom soit béni[4] ! » La perte de tous ses biens était-elle une preuve que Job était desséché ? Non ; les feuilles étaient tombées, mais la racine restait toujours vigoureuse. Donc, « pour la fin, dans les hymnes ». Et ensuite ? « Intelligence à David ». Intelligence, par opposition à ces autres paroles : « L’imprudent ne connaîtra pas ces choses, et l’insensé ne les comprendra point. Intelligence à David, lorsque les Ziphéens vinrent trouver Saül, et lui dirent : Est-ce que David ne s’est point retiré chez nous ? » Que David soit caché chez vous, si vous le voulez ; mais que, du moins, votre gloire ne soit pas la sienne. Écoute donc sa prière.
4. « Dieu, sauvez-moi par votre nom, et jugez-moi par votre puissance[5] ». Que l’Église, cachée parmi les Ziphéens, redise ces paroles. Qu’elles se retrouvent aussi sur les lèvres de ce corps chrétien, qui renferme dans son cœur le trésor de ses bonnes œuvres, et y conserve l’espérance de la récompense immortelle promise à ses mérites. Que l’Église dise donc : « O Dieu, sauvez-moi par votre nom, et jugez-moi par votre puissance ». O Christ, vous êtes venu sur la terre ; vous y êtes apparu dans l’humilité : vous avez été méprisé, flagellé, crucifié, mis à mort ; mais, trois jours après, vous êtes ressuscité : le quarantième jour vous êtes monté aux cieux ; vous êtes assis à la droite de votre Père, et personne ne vous y voit. Puis, vous on avez fait descendre le Saint-Esprit, et ceux qui en étaient dignes l’ont reçu. Brûlant du feu

  1. Esth. 4,17
  2. Ps. 61,11
  3. Id. 91,6
  4. Job. 1,21
  5. Ps. 53,3