Tout cela était pour nous des figures, dit cet Apôtre que ne contredit jamais aucun fidèle. Il énumère beaucoup de ces figures, il n’y en a qu’une dont il donne l’explication, en ces termes : « Et cette pierre était le Christ ». En ne donnant que cette explication, il veut qu’on cherche les autres ; mais il prétend qu’en les cherchant on ne s’écarte pas du Christ, qu’on cherche sans hésiter et comme assis sur la pierre : « Or, cette pierre était le Christ ». Tout cela, d’après lui, était pour nous des figures, et tout cela était obscur. Qui saura développer, qui saura ouvrir, qui osera expliquer ces voiles mystérieux ? C’est comme un épais fourré, une ombre épaisse ; l’Apôtre pourtant y apporte un flambeau : « La pierre était le Christ ». À la lueur de ce flambeau, cherchons ce que signifient les autres traits, ce que désignent la mer, la nuée, la manne ; car l’Apôtre ne l’a pas dit, il s’est contenté de révéler la signification de la pierre.
Le passage de la mer désigne le baptême ; et comme l’eau du baptême n’est salutaire qu’autant qu’elle est consacrée au nom de Jésus-Christ, qui a pour nous versé son sang, sur cette eau est imprimé le signe de la croix. Pour rappeler cette circonstance, la mer était rouge. Le Seigneur en personne explique formellement ce que désignait la manne tombée du ciel. « Vos pères, dit-il, ont mangé la « manne dans le désert, et ils sont morts ». Comment ne seraient-ils pas morts, attendu que si cet aliment figuratif pouvait signifier la vie, il ne pouvait être la vie ? « Ils ont mangé la manne et ils sont morts » ; c’est que la manne qu’ils ont mangée ne pouvait les préserver de la mort ; sans doute la manne ne leur donnait pas la mort, mais elle ne les en préservait point. Celui-là seul devait délivrer de la mort, qui était annoncé par la manne. La manne descendait sûrement du ciel ; voyez qui elle figurait : « Je suis, dit le a Sauveur, le pain vivant descendu du ciel[1] ». Examinez avec ardeur et avec application ces paroles divines, afin de profiter, de savoir les lire et les entendre.
« Ils ont mangé », est-il écrit, « la même « nourriture spirituelle ». Pourquoi cette expression, a la même », sinon pour rappeler celle que nous prenons ? Je vois quelques difficultés à exprimer et à expliquer ce que j’ai entrepris, mais je serai soutenu par votre bienveillance, qu’elle m’obtienne du Seigneur le pouvoir de le faire. « Ils ont mangé la « même nourriture spirituelle ». Ne suffisait-il pas de dire : Ils ont mangé une nourriture spirituelle ? Il ajoute : « la même ». — « La même », ne me paraît pouvoir désigner que la nourriture spirituelle dont nous faisons usage. — Quoi ! me dira-t-on, la manne était ce que nous prenons aujourd’hui ? Qu’avons-nous donc de plus que ce qui existait autrefois ? N’est-ce pas l’annihilation du scandale de la croix ? — « La même » n’a ici de sens qu’à cause du mot « spirituelle ». En effet, ceux qui en prenant la manne y voyaient seulement un moyen de subvenir à leurs besoins corporels, de nourrir leur corps et non leur âme, n’y recevaient rien de grand, ils n’y trouvaient qu’un soulagement matériel. Ainsi Dieu nourrissait simplement les uns, il révélait aux autres un mystère. Les premiers mangeaient une nourriture matérielle, et non pas une nourriture spirituelle. Quels sont ceux que l’Apôtre appelle « nos pères » et qui ont mangé une nourriture spirituelle ? À qui donne-t-il ce titre, mes frères, sinon à ceux qui étaient réellement ou plutôt qui sont réellement nos pères, car tous ils sont pleins de vie ? À quelques-uns des Juifs infidèles le Seigneur parle ainsi : « Vos pères ont « mangé la manne au désert, et ils sont « morts ». Que signifie : « Vos pères », sinon ceux dont vous imitez l’infidélité, dont vous suivez les traces en ne croyant pas et en résistant à Dieu ? C’est dans le même sens qu’il dit à d’autres : « Vous avez le diable pour père[2] ». Sans aucun doute nul homme n’a été ni créé ni engendré par le diable ; le diable toutefois se nomme le père des impies, parce que, s’ils ne sont pas engendrés par lui, ils l’imitent. Dans la même acception encore il est dit aux vrais fidèles : « Vous êtes ainsi la postérité d’Abraham[3] » ; bien qu’il s’agisse ici des gentils, qui ne descendaient point de la race d’Abraham. S’ils étaient ses fils, ce n’était point par la naissance, mais par l’imitation. Aussi le Seigneur déclare-t-il qu’Abraham cesse d’être le père de ses enfants quand ceux-ci trahissent leur foi. « Si vous étiez les fils d’Abraham, dit-il, vous feriez les œuvres d’Abraham[4] ». Afin encore de se faire mieux comprendre de ces arbres mauvais qui se glorifiaient d’être issus d’Abraham, le Sei-