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Donc le Dieu des dieux était caché, et pour ceux parmi lesquels il vivait, et pour ceux qui l’ont crucifié, e-t pour ceux dont les yeux le virent ressusciter, et pour nous qui croyons qu’il est assis dans les cieux, et qui ne l’avons point vu conversant sur la terre. Mais quand nous le verrions, verrions-nous autre chose que les Juifs qui l’ont crucifié ? Il est mieux pour nous de ne pas voir le Christ et de le croire Dieu, que pour eux de l’avoir vu et de l’avoir cru simplement un homme. Ils crurent à l’erreur et le firent mourir ; nous croyons à la vérité, et de là nous vient la vie.
6. Quoi ! mes frères, ce Dieu des dieux, alors caché, main-tenant caché, sera-t-il donc toujours caché ? Assurément non : écoutez ce qui suit : « Dieu viendra ostensiblement[1] ». Il est venu caché, il viendra au grand jour. Il est venu caché pour être jugé, il viendra au grand jour pour juger ; il est venu caché pour se présenter devant un juge, il viendra au grand jour pour juger les juges eux-mêmes : « Il viendra donc au grand jour et ne se taira point ». Comment donc ? Est-ce qu’il se tait maintenant ? D’où vient alors ce que nous vous prêchons ? D’où viennent ces préceptes ? D’où ces conseils ? D’où vient cette trompette effrayante ? IL ne se tait pas et pourtant il se tait, Il ne se tait pas à l’égard des avertissements, il se tait quant à la vengeance ; il ne se tait pas à l’égard des préceptes, il se tait à l’égard des peines. Il tolère chaque jour les crimes des pécheurs, qui n’ont souci de Dieu ni dans leur conscience, ni dans le ciel, ni sur la terre : rien de tout cela ne lui échappe, et il avertit généralement tous les hommes, et quand il en châtie quelques-uns sur la terre, c’est un avertissement et pas encore une condamnation. Il s’abstient donc de juger, il demeure caché dans le ciel, il intercède encore pour nous ; il est patient envers les pécheurs, il ne s’abandonne point à son indignation, mais il attend leur repentir. Il dit ailleurs : « Je me suis tu, me tairai-je donc toujours[2] ? » Quand il ne se taira plus, c’est donc alors « que Dieu viendra au grand jour ». Quel Dieu ? « Notre Dieu ». C’est vraiment notre Dieu qui est lieu. Les dieux des nations sont des démons, le Dieu des chrétiens est le Dieu véritable. Il viendra, mais au grand jour, non plus pour lire exposé aux outrages, ni souffleté, ni flagellé ; il viendra, mais au grand jour, non pour qu’on le frappe d’un roseau sur la tête, non pour qu’on l’attache à la croix, qu’on le fasse mourir, qu’on l’ensevelisse : c’est là tout ce qu’a voulu souffrir le Dieu caché. Il viendra au grand jour et ne se taira point.
7. La suite du psaume nous montre qu’il viendra pour juger. « Un feu marchera devant lui[3] ». Devons-nous craindre ? Changeons-nous, et nous ne craindrons plus. La paille peut craindre le feu, mais que peut le feu sur l’or ? Il ne tient qu’à toi de ne pas éprouver ce que tu éprouveras malgré toi, si tu ne te corriges. Quand même nous pourrions empêcher l’arrivée de ce jour du jugement, il me semble néanmoins qu’il ne faudrait pas vivre dans le désordre. Quand même le feu ne serait pas à craindre au jour du jugement, et que les pécheurs n’auraient à redouter que d’être séparés de Dieu, quelles que fussent d’ailleurs leurs délices ; dès qu’ils ne verront point celui qui les a créés, qu’ils seront privés des ineffables douceurs de sa face, ils auront encore à pleurer, quelle que soit leur éternité et l’impunité de leurs crimes. Mais que dirai-je, et à qui le dirai-je ? Les cœurs qui aiment Dieu comprennent seuls ce châtiment, et non ceux qui le méprisent. Ceux qui sentent quelque peu la douceur de – la sagesse et de la vérité, comprennent mes paroles et savent ce qu’il y a de pénible dans la séparation de Dieu ; mais ceux qui n’ont point goûté cette douceur n’ont qu’à redouter le feu. S’il n’aspire point à voir Dieu, qu’il redoute les tourments, celui que n’attirent point les récompenses. Si tu n’as que mépris pour les promesses de Dieu, crains du moins ses menaces, On te promet de voir Dieu, et cette promesse ne te fait ni changer, ni tressaillir, ni soupirer, ni désirer : tu te plonges dans le péché, dans les délices de la chair, tu amasses de la paille, et le feu viendra. « Un feu brûlera en sa présence ». Ce feu sera loin de ressembler à celui de ton foyer ; et pourtant, s’il te fallait y mettre la main, tu ploierais à la volonté de celui qui t’en menacerait. S’il te disait : Signe contre ton père, signe contre tes enfants, autrement je vais mettre ta main au feu ; tu ferais tout pour épargner cette douleur à ta main, pour épargner à l’un de tes membres la douleur d’un moment, car cette douleur ne serait pas éternelle. Tu fais

  1. Ps. 49,3
  2. Isa. 42,14
  3. Ps. 96,3