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bien que les méchants blasphèment contre elle, mais que ces hommes ont leur père dans la suite des âges. Adam eut deux fils ; chez l’un fut l’iniquité, chez l’autre la justice : Caïn était méchant, mais Abel était juste. Or, l’iniquité sembla dominer la justice, puisque l’injuste Caïn tua le juste Abel[1], pendant la nuit. Était-ce le matin ? Mais au matin les justes prévaudront sur les méchants. Ce matin viendra donc et l’on verra où est Abel, où est Caïn. Ainsi en est-il de tous ceux qui auront suivi Caïn, comme de ceux qui auront suivi Abel. « Il ira jusqu’où sont allés ses pères : il a perdu la lumière pour toujours ». Quand il était en cette vie, il était dans les ténèbres, s’applaudissait des faux biens, n’aimait point les véritables : voilà pourquoi il sera précipité dans l’enfer, et passera des ténèbres de l’illusion aux ténèbres des tourments. Donc « ils seront éternellement privés de lumière ». Mais pourquoi ? Voici à la fin du psaume la réponse donnée au milieu : « L’homme était en honneur, il ne l’a pas compris, il s’est comparé aux animaux sans raison et leur est devenu semblable[2] ».
Quant à vous, mes frères, considérez que vous êtes les hommes créés à l’image de Dieu, et à sa ressemblance[3]. Cette image est intérieure en vous, elle n’est pas dans votre corps ; ni ces oreilles que vous voyez, ni ces yeux, ni ces narines, ni ce palais, ni ces mains, ni ces pieds ne sont à la ressemblance de Dieu, qui est néanmoins en vous : où est l’intelligence, où est l’esprit, où est la raison qui recherche la vérité, où est la foi, où est votre espérance, où est votre charité, là est aussi l’image de Dieu. C’est au moins là que vous comprenez et que vous voyez que tout passe ici-bas, comme il est dit dans un autre psaume : « Quoique l’homme passe avec l’image de Dieu, il est néanmoins inutilement troublé : il amasse, et ne sait pour qui[4]. Ne vous troublez donc point : quels que soient ces biens, si vous êtes élevés en honneur et intelligents, vous verrez qu’ils passent bien vite. Car si vous n’êtes point élevés en honneur, et si vous n’avez point l’intelligence, vous êtes comparés aux animaux sans raison, et vous leur devenez semblables.


DISCOURS SUR LE PSAUME 49

SERMON AU PEUPLE.

LE JUGEMENT DE DIEU.

Le Dieu qui appelle à la foi la terre entière et non l’Afrique seulement, est le Dieu des dieux, c’est-à-dire des anges et des saints, qui sont les cohéritiers de Jésus-Christ, qui doivent entrer en participation de sa gloire, aussi bien que le Dieu des démons, qui à leur tour sont les dieux des nations. Il a parlé et fait éclater sa gloire à Jérusalem d’abord, puis dans les nations par le moyen des Apôtres. Mais pendant sa vie et à la croix, il était caché et parlait miséricorde ; à sa résurrection il parut un Dieu même à Thomas ; tel il viendra au grand jour parler justice. Le feu qui le précède n’est qu’un châtiment vulgaire, le plus terrible c’est la privation de Dieu. Alors se fera la séparation ; les uns, figurés par les cinq vierges sages, les cinq frères du mauvais riche, les cent cinquante-trois poissons, monteront en haut pour juger avec Dieu. Ils ont fait miséricorde et ont offert le sacrifice de louanges, non avec des animaux, mais avec la sainteté du cœur et des œuvres. Ce sacrifice, le pécheur ne peut l’offrir. Crime du scandale, de la détraction. Glorifions-nous, mais en Dieu.


1. C’est à chacun de nous, mes frères, de voir en lui-même l’efficacité de la parole de Dieu pour amender notre vie, nous faire espérer ses récompenses et craindre ses châtiments ; c’est à nous, dans ce péril extrême, de mettre sous nos yeux notre conscience, sans déguisement comme sans flatterie ; car, vous le voyez, le Seigneur notre Dieu ne flatte personne. S’il nous console en nous promettant des biens, en soutenant nos espérances, il

  1. Gen. 4,8
  2. Ps. 48,21
  3. Gen. 1,26
  4. Ps. 38,7