que nous souffrons, sinon pour donner l’intelligence aux fils de Coré ? « Par vous nous abattrons la puissance de nos ennemis, et en votre nom nous foulerons aux pieds nos persécuteurs »[1]. Voilà pour l’avenir.
7. « Je ne mettrai point mon espérance dans mon arc[2] » ; de même que nos pères ne la mettaient point dans l’épée. « Et ce ne sera point mon glaive qui me sauvera ».
8. « Car c’est vous qui nous avez sauvés de ceux qui nous affligeaient »[3]. Cette forme du passé nous désigne l’avenir ; cet emploi de la forme du passé nous marque une certitude aussi grande que si les faits étaient accomplis. Remarquez que souvent les Prophètes parlent des faits qu’ils annoncent pour l’avenir, comme s’ils étaient accomplis déjà. Car, en parlant de la passion du Sauveur, qu’il annonçait pour l’avenir, le psalmiste a dit : « Ils ont percé mes pieds et mes mains, ils ont compté tous mises os » ; il n’a point dit : Ils perceront, ils compteront. « Ils m’ont considéré, ils m’ont regardé » ; et non : Ils me considéreront, ils me regarderont. « Ils se sont partagé mes vêtements »[4] ; et non : Ils se partageront. Tous ces faits sont à venir, et néanmoins prédits comme accomplis : parce que devant Dieu ce qui doit arriver est aussi certain que s’il était déjà passé. Pour nous, ce qui est arrivé est certain ; ce qui est à venir, incertain. Nous savons un fait quand il est accompli, et il est impossible qu’un fait accompli ne le soit point. Mais donne-moi un prophète, et l’avenir est pour lui aussi certain que pour toi le passé : et autant pour toi il est impossible qu’un fait accompli, présent à ta mémoire, ne soit point arrivé ; autant pour lui il est impossible qu’un fait qu’il connaît pour l’avenir, n’arrive point. C’est pour cela qu’il prédit ce qui doit arriver, avec la même certitude que s’il était arrivé. C’est là donc ce que nous espérons : « Vous nous avez sauvés de ceux qui nous affligeaient, et ceux qui nous haïssaient, vous les avez couverts de confusion ». « Durant tout le jour, nous nous glorifierons dans le Seigneur ». Voyez comme il entremêle des paroles au futur, afin de vous montrer que sous la forme du passé il annonce néanmoins l’avenir. « Durant tout le jour, nous nous glorifierons en Dieu ; et sous chanterons les louanges en votre nom pendant tous les siècles »[5]. Pourquoi nous glorifier ? pourquoi chanter des louanges ? Parce que vous nous avez arrachés à ceux qui nous persécutaient, parce que vous nous donnerez un royaume éternel, parce que vous accomplirez en nous cette parole : « Bienheureux, Seigneur, ceux qui habitent votre maison ; ils vous loueront dans les siècles des siècles »[6].
10. Si donc voilà un avenir très assuré pour nous, si nos pères nous ont raconté les merveilles du passé, qu’avons-nous maintenant ? « Maintenant vous nous avez repoussés, vous « nous avez couverts d’ignominie ». Cette ignominie n’est point dans notre conscience, mais à la face des hommes. Il y eut des temps, en effet, où l’on persécutait les chrétiens, où ils fuyaient partout, où l’on disait de toutes parts : Voilà un chrétien, comme si c’était là un sujet d’opprobre et d’insulte. Où est donc ce Dieu, qui est notre Dieu et notre Roi, qui ordonne le salut de Jacob ? Où est celui qui a opéré toutes ces merveilles que nous racontaient nos pères ? Où est celui qui doit accomplir tout ce qu’il nous a prédit par l’Esprit-Saint ? Serait-il donc changé ? Non ; mais tout cela est pour l’intelligence aux fils de Coré. Nous devons comprendre quelque peu pourquoi Dieu veut nous faire endurer ces choses au milieu des temps. Pourquoi toutes ces douleurs ? « Maintenant vous nous avez rejetés et couverts d’ignominie ; et vous ne marcherez plus, Seigneur, à la tête de nos armées »[7]. Nous marchons contre nos ennemis, et vous ne marchez point avec nous nous les voyons, ils sont victorieux et nous succombons. Où donc est votre force d’autrefois ? Où est votre droite et votre puissance ? Où est donc cette mer qui se dessèche ? Où sont donc ces Égyptiens qui poursuivent Israël dans les flots ? Où est cet Amalech dont le signe de la croix vainquit les résistances ?[8] « Et vous ne marcherez plus, Seigneur, à la tête de nos armées ».
11. « Vous nous avez fait reculer à la suite de nos ennemis » ; en sorte qu’ils paraissent ouvrir la marche et que nous sommes en arrière ; ils paraissent vainqueurs et nous vaincus. « Et ceux qui nous haïssaient enlevaient nos dépouilles »[9] : quelles dépouilles, Sinon nous-mêmes ?
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