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les rapports du Christ avec le mot chauve ou Calvaire. Or, le lieu du Calvaire où il fut crucifié[1], ne vous vient-il pas en pensée ? Il vous vient assurément. Donc les fils de l’Époux, les fils de ses douleurs, les fils rachetés par son sang, les fils de sa croix, qui portent gravé sur leur front, ce que ses ennemis désirent sur le Calvaire, sont appelés fils de Coré. C’est pour eux, pour leur donner l’intelligence, que nous chantons ce Psaume. Stimulons donc notre intelligence, et comprenons-le, puisqu’il est chanté pour nous. Que nous faut-il comprendre ? En le chantant quelle intelligence veut-on nous en donner ? J’ose bien dire : « Les perfections invisibles de Dieu sont devenues visibles depuis la création du monde, par tout ce qui a été fait »[2]. Entrez donc avec moi, mes frères, dans une sainte avidité, prenez part à mon désir. Aimons ensemble, ayons soif ensemble et courons ensemble aux sources de l’intelligence. Soupirons comme le cerf après cette fontaine ; et, sans parler de cette source de la rémission des péchés, après laquelle soupirent nos catéchumènes, soupirons, nous qui sommes baptisés, après cette autre fontaine dont l’Écriture dit ailleurs : « C’est en vous qu’est la source de la vie ». Source qui est aussi une lumière, « puisque c’est à votre lumière que nous verrons la lumière »[3]. Si donc il est source et lumière, il est aussi intelligence, car il apaise dans une âme la soif de la science ; et quiconque a de l’intelligence est éclairé par une certaine lumière, qui n’est ni corporelle, ni charnelle, ni extérieure, mais intérieure. Il y a donc, mes frères, une certaine lumière intérieure qui manque à l’homme dépourvu d’intelligence. Aussi l’Apôtre conjure-t-il ainsi ceux qui soupirent après cette source d’eau vive, et qui en goûtent quelque peu : « Désormais, ne marchez plus comme les Gentils, qui s’avancent dans la vanité de leurs pensées, qui ont l’esprit plein de ténèbres, entièrement éloignés de la vie de Dieu, à cause de l’ignorance qui est en eux et de l’aveuglement de leur cœur »[4]. Si donc leur intelligence est obscurcie, c’est-à-dire s’ils sont dans les ténèbres parce qu’ils ne comprennent point, il suit de là que l’intelligence est une lumière. Cours donc à la fontaine, soupire après les sources d’eau vive. C’est en Dieu qu’est la source de la vie et la source intarissable : c’est de son flambeau que nous vient une lumière qui ne s’obscurcira jamais. Soupire après cette lumière, après cette fontaine, lumière que tes yeux ne connaissent point, lumière à laquelle tu dois préparer l’œil de ton âme, fontaine où ne peut se désaltérer que la soif intérieure. Cours à cette fontaine, soupire après ses eaux ; mais n’y cours point d’une manière telle quelle, ni comme tout animal peut y courir ; cours-y comme le cerf. Qu’est-ce à dire, comme le cerf ? Qu’il n’y ait rien de pesant dans ta course, mais qu’elle soit légère, que tes désirs soient vifs. Le cerf est pour nous un modèle de vitesse.
3. Peut-être n’est-ce point l’agilité seulement, mais d’autres qualités encore que l’Écriture veut nous signaler chez les cerfs. Écoutez ce qu’ils ont encore de spécial. Ils tuent les serpents ; et, après les avoir tués, ils sont brûlés d’une soif plus ardente, la mort des serpents les précipite plus rapidement encore vers les fontaines. Pour toi, les serpents sont tes vices : donne la mort aux serpents de l’iniquité, et tu n’en auras que plus soif de la vérité. L’avarice souffle peut-être à ton âme une parole de ténèbres, elle siffle contrairement à la parole de Dieu, contrairement au précepte du Seigneur. Et comme l’on te dit : Dédaigne un tel gain, ne commets point l’iniquité si tu préfères l’iniquité, au lieu de dédaigner un gain temporel, tu aimes mieux être mordu par le serpent que le tuer toi-même. Mais dans cette faveur que tu as pour tes vices, pour tes convoitises, pour ta cupidité, en un mot pour ton serpent, comment reconnaîtrai-je ce désir qui te précipitera vers les sources d’eau vive ? Surchargé du poison de la malice, comment pourras-tu recourir aux sources de la sagesse ? Extermine donc en toi ce qui est contraire à la vérité ; et quand il n’y aura plus chez toi nulle convoitise mauvaise, n’en demeure point là, comme s’il ne te restait rien à désirer. Il y a toujours quelque point où tu dois t’élever ; si déjà tu as obtenu de n’avoir plus aucune entrave en toi-même. Mais si tu es du nombre des cerfs, tu me diras peut-être : Dieu sait que je ne suis point avare ni désireux du bien d’autrui, que je ne brûle point des feux de l’adultère, que je ne sens en mon âme ni haine ni envie contre qui que ce soit, et autres choses semblables. Tu me diras encore :

  1. Mt. 27,33
  2. Rom. 1,20
  3. Ps. 35,10
  4. Eph. 4,17-18