Parce que nous ne sommes point faux avec eux, ils pensent qu’il y a perte pour nous dans la privation de ces plaisirs nombreux et variés dont ils raffolent, sans voir combien ils sont faux. Comment donner à ce malade, malgré lui, un œuf ou un breuvage salutaire ? Quel moyen trouver pour le guérir ? Dans la crainte qu’il ne meure de faim et qu’il n’en vienne à rendre impossible son retour à la santé, je l’engage à prendre quelque nourriture ; et le voilà qui s’apprête à frapper, qui s’emporte contre le médecin. Aimons-le, bien qu’il nous frappe ; ne l’abandonnons pas malgré ses injures ; il reviendra au bien et nous remerciera. Combien peuvent ici se reconnaître, se voir, se parler mutuellement dans l’Église de Dieu ; maintenant qu’ils sont dans le giron de la sainte Église, ils se sentent des affections déjà plus saintes pour entendre la parole de pour accomplir les devoirs et les prévenances de la charité, pour demeurer dans l’Église, afin d’être mêlés au troupeau de Jésus-Christ. Ils se voient et se parlent nullement l’un de l’autre. Quel est, disent-ils, amateur du cirque ? cet homme infatué lutteur, et qui vantait les comédiens ? Voilà ce qu’un homme dit d’un autre, et cet autre de lui. Voilà leur langage, langage qui doit nous réjouir. Quand ceux-ci nous comblent de joie, ne désespérons point de leur salut. Prions pour eux, mes frères bien-aimés : ce qui formait jadis le nombre des impies, augmente aujourd’hui le nombre des impies . « Il n’a point regardé les vanités et les folies mensongères ». Cet homme est vainqueur, il a pris tel cheval, il prononce, il joue le rôle du devin ; il affecte la divination ; et, se séparant de la source de la divinité, souvent il se prononce, et souvent il se trompe. Pourquoi ? Parce que ce sont là des folies menteuses. Comment se fait-il que leurs oracles se vérifient quelquefois ? C’est afin qu’ils séduisent les insensés, et que sous un spécieux amour de la vérité, ils tombent dans le piège du mensonge ; qu’on les laisse en arrière, qu’ils soient abandonnés et retranchés. S’ils étaient nos membres, qu’ils soient mortifiés. « Mortifiez vos membres sur la terre «[1] », nous dit l’Apôtre. Que notre Dieu soit notre espérance. Celui qui a tout fait, est bien supérieur à tout ; celui qui a fait tout ce qui est beau, a plus de beauté lui-même ; l’auteur de tout ce qui est fort, de tout ce qui est grand, a plus de force et plus de grandeur : il sera pour toi tout ce que tu pourras désirer. Apprends donc à auner le Créateur dans la créature, et dans l’œuvre l’ouvrier ; ne t’éprends d’aucune de ses œuvres, afin de ne point perdre celui dont tu es l’ouvrage. « Bienheureux donc l’homme qui a mis son espérance dans le nom du Seigneur, qui ne s’est point arrêté aux vanités et aux folies du mensonge ».
9. Mais un homme frappé de ce verset, et qui voudra se corriger, un homme que saisit de crainte la justice de la foi, et qui veut marcher dans la voie étroite, viendra peut-être me dire : Je ne pourrai marcher dans cette voie, si rien ne l’offre à mes yeux. Que faisons-nous donc, mes frères ? Le renverrons-nous, sans qu’il ait rien vu ? Il en mourra, il n’y tiendra pas, il ne pourra nous suivre. Que faire ? Remplaçons donc ses spectacles par d’autres spectacles. Et quels spectacles donner à un chrétien que nous voulons retirer des spectacles mondains ? Grâces en soient rendues au Seigneur notre Dieu ; dans le verset suivant, le psalmiste nous indique le genre de spectacle que nous devons mettre sous les yeux de ceux qui veulent des spectacles. Le voilà qui s’exile du cirque, de l’amphithéâtre ; qu’il cherche des spectacles, qu’il cherche à voir ; nous ne l’abandonnerons point sans spectacles. Par quoi les remplacerons-nous ? Écoutez ce qui suit : « Vous avez fait, Seigneur mon Dieu, de nombreuses merveilles[2] ». Il se repaissait des spectacles des hommes, qu’il envisage les merveilles de Dieu. Ces merveilles de Dieu sont innombrables ; qu’il les admire et les contemple. Pourquoi n’en est-il pas ému ? Il vante un cocher qui conduit quatre chevaux et les fait courir sans aucun choc ; et le Seigneur n’a-t-il pas aussi des miracles spirituels dans le même genre ? Que cet homme mette le frein à son avarice, le frein à sa nonchalance, le frein à son injustice, le frein à son imprudence, le frein à tous ces mouvements dont la fougue enfante les vices, qu’il leur mette un frein et se les assujettisse, qu’il gouverne ses passions sans en être l’esclave ; qu’il les dirige où bon lui semble et ne se laisse pas entraîner malgré lui. Il louait un cocher ; on le louera à son tour comme le cocher de
Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VIII.djvu/435
Cette page n’a pas encore été corrigée