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la question du nombre. Je l’ai dit : je suis d’accord avec toi. Trois cent dix sont plus que cent, ou ce qu’il y avait d’évêques Maximianistes contre Primianus : et les milliers d’évêques répandus par toute la terre, qui ont condamné Donat pour soutenir Cécilien, se sont-ils donc pour toi d’aucune autorité ? Mais, diras-tu : est-ce que les milliers d’évêques répandus dans le monde entier ont condamné les Donatistes ? Très bien, ils ne les ont pas condamnés. Mais pourquoi ? parce qu’ils n’ont pas assisté au jugement ; et s’ils n’ont pas assisté au jugement, ils ne l’ont point condamné, puisqu’ils ne connaissent rien de cette affaire. Pourquoi donc te séparer de ces innocents ? voilà un homme baptisé qui vient à toi des extrémités du monde, et tu veux le baptiser de nouveau, et lorsque tu le prépares à exercer ton ministère de mort, et à réitérer ce que l’on ne donne qu’une fois, il t’aborde avec de grands cris et des gémissements, et te dit : Que prétendez-vous faire ? me rebaptiser ? vous dit cet homme de je ne sais quel pays, de la Mésopotamie, de la Syrie, du Pont, ou même de plus loin. Mais vous n’avez pas le baptême, lui réponds-tu. Comment ? lisez les lettres de l’Apôtre, que l’on m’a données. Voici venir je ne sais quel homme de Galatie, du Pont, un inconnu de Philadelphie ou d’une de ces églises auxquelles saint Jean a écrit u il vient de Colosses, il vient de Philippe, de Thessalonique : Je n’ai pas le baptême, vous dira-t-il, moi qui ai reçu les lettres de l’Apôtre, par la prédication duquel vous êtes baptisés ? Tu oses bien lire ces lettres, et refuser d’être en paix avec moi ?[1]

TROISIÈME DISCOURS SUR LE PSAUME 36.

TROISIÈME SERMON. – ENCORE LA FORCE DU JUSTE.

L’Église qui a été jeune et qui a vieilli, n’a point vu le juste manquer de pain ou de la parole de Dieu qui est le vrai pain. Elle a vu au contraire ce juste prêter, et surtout prêter au Seigneur en secourant les pauvres. Évitons le mal, mais cela est insuffisant si nous ne faisons le bien. Laissons faire l’impie dont la ruine sera complète ; dans sa malice il peut bien épier le juste, mais il ne surprendra que le corps : l’âme lui échappera toujours. Ce que les Donatistes peuvent dire d’Augustin.


1. Il nous reste, mes frères, à vous exposer à discuter la troisième partie du psaume. Je le vois ; Dieu me rappelle pour m’acquitter de ma dette, à la vérité contre mon dessein, mais non contre les desseins de sa Providence. Soyez donc attentifs, mes frères, afin que, s’il est possible, avec le secours de Dieu, je fasse droit à une obligation dont je reconnais l’existence. De qui sont ces paroles que nous venons de chanter ? « J’ai été jeune, maintenant j’ai vieilli ; et je n’ai point vu le juste abandonné, ni sa postérité mendier son pain[2] ». Si ce n’est qu’un seul homme qui parle ainsi, quelle durée peut avoir la vie un seul homme, et quelle merveille serait-ce qu’un homme placé dans quelque coin du monde, pendant toute sa vie qui est bien courte, comme toute vie humaine, quel que soit l’espace qui sépare la jeunesse de la vieillesse, n’eût point vu le juste abandonné, ni sa postérité mendier son pain ? Il n’y a là rien d’étonnant. Il est très possible qu’avant sa naissance un juste ait demandé son pain ; il est possible que cela soit arrivé dans un pays qu’il n’habitait pas. Écoutez encore une difficulté qui m’embarrasse : voilà que le premier d’entre vous, qui a déjà de longues années, en jetant les yeux sur les jours qu’il a vus s’écouler, et en ramenant dans sa pensée tout ce qu’il a pu connaître, ne voit pour mendier son pain, ni le juste, ni le fils du juste ; et néanmoins, en feuilletant les Écritures, il voit qu’Abraham, tout juste qu’il était, souffrit

  1. Apoc. 1,4
  2. Ps. 36,25