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mettez vos délices dans le Seigneur, et il remplira les désirs de votre cœur »[1].
5. Remarquez bien : « les désirs de votre cœur ». Et ces désirs de votre cœur, séparez-les des désirs de la chair ; séparez-les autant que possible. Ce n’est pas sans raison qu’il est dit dans un psaume : « Vous êtes le Dieu de mon cœur », puisqu’on ajoute : « Vous êtes, ô Dieu, mon partage pour l’éternité »[2]. Un aveugle, par exemple, a perdu la vue du corps, et il prie Dieu de le rendre la lumière. Qu’il fasse à Dieu cette prière, j’y consens, puisque Dieu fait aux hommes eus grâces et leur accorde ces dons. Mais les méchants font aussi ces prières. Ce sont là des demandes charnelles. Voilà un malade, il demande à Dieu la santé ; il l’obtient, mais pour mourir un jour. Voilà encore une demande charnelle et beaucoup d’autres semblables. Quelle est la prière du cœur ? De même qu’il y a prière charnelle à demander la guérison des yeux pour voir cette lumière que peuvent contempler ces yeux charnels ; de même la prière du cœur aspire à une autre lumière : « Bienheureux », en effet, « ceux qui ont le cœur pur, parce qu’ils verront Dieu[3]. Mettez vos délices dans le Seigneur, et il remplira les désirs de votre cœur ».
6. Voilà que je le désire, que je le demande, que je le veux : est-ce moi qui pourrai me satisfaire ? Nullement. Qui donc ? « Révélez vos voies au Seigneur, espérez en lui, et il m agira lui-même ». Exposez-lui ce que vous souffrez, exposez ce que vous désirez. Ce que vous souffrez : « La chair a des désirs contraires à ceux de l’esprit, et l’esprit en a de contraires à ceux de la chair »[4]. Que veux-tu dès lors ? « Malheureux homme que je suis, qui me délivrera de ce corps de mort ? » Et comme c’est Dieu qui doit agir quand tu lui auras révélé tes voies, écoute ce qui suit : « Ce sera la grâce de Dieu, par Jésus-Christ Notre-Seigneur »[5]. Mais que fera lieu dont il est dit : « Révélez au Seigneur vos voies et il agira ». Quelle sera cette action ? « Il fera éclater votre justice comme la lumière »[6]. Aujourd’hui, votre justice est eschée : tout se passe dans la foi et non dans la claire vue. Tu crois, et c’est ce qui te fait agir, mais tu me vois point ce que tu crois. Quand tu commenceras à voir l’objet de ta foi, ta justice paraîtra comme la lumière : parce que ta justice était dans ta foi[7] : puisque « c’est de la foi que vit le juste »[8].
7. « Il fera éclater votre justice comme la lumière, et votre jugement comme le plein midi »[9], c’est-à-dire comme la pleine lumière ; et cette expression : « Comme une lumière », lui paraissait trop faible. Nous appelons lumière celle du point du jour, nous appelons encore lumière celle du soleil qui s’élève ; mais jamais la lumière n’est plus brillante qu’en plein midi. Le Seigneur donc non seulement fera briller votre justice comme une lumière, mais encore votre jugement comme le plein midi. Ainsi tu as jugé bien de suivre le Christ ; c’est là ton dessein, ton choix, ton jugement. Nul ne t’a fait voir ce qu’il t’a promis ; tu tiens les promesses, tu en attends l’accomplissement ; c’est donc par un jugement de ta foi que tu as résolu de suivre ce que tu ne vois pas. Ce jugement est encore caché ; il est pour les infidèles un sujet de blâme et de railleries Quel est l’objet de ta foi, disent-ils ? Que t’a promis le Christ ? de te donner l’immortalité, la vie éternelle ? Où est cette vie ? Quand te la donnera-t-il ? Quand sera-ce possible ? Et toutefois tu juges qu’il est mieux de suivre le Christ qui te promet ce que tu ne vois pas, que de suivre cet impie qui te blâme de croire ce que tu ne vois pas. C’est là ton jugement : et nul ne voit encore quel est ce jugement : ce monde est comme une nuit. Quand sera-ce qu’il fera éclater ton jugement comme un plein midi ? « Quand apparaîtra le Christ qui est votre vie, alors vous aussi, vous apparaîtrez avec lui dans la gloire »[10]. Qu’arrivera-t-il au jour du jugement, quand le Christ rassemblera toutes les nations devant son tribunal ? Où l’impie cachera-t-il sa malice, quand je verrai l’objet de ma foi ? Qu’avons-nous donc maintenant ? Des angoisses, des tribulations, des épreuves. Heureux celui qui les endure : « Car celui-là sera sauvé, qui aura persévéré jusqu’à la fin »[11]. Qu’il ne cède point aux insolences, qu’il ne cherche point à y fleurir, et d’arbre qu’il est, à devenir une herbe qui se dessèche.
8. Quel est donc mon devoir ? Écoute ce devoir : « Sois soumis au Seigneur et invoque sa bonté »[12]. Que ta vie ne soit qu’un acte d’obéissance à ses volontés. C’est là lui être

  1. Ps. 36,4
  2. Id. 72,26
  3. Mt. 5,8
  4. Gal. 5,17
  5. Rom. 7,24
  6. Ps. 36,6
  7. Hab. 2,4
  8. Rom. 1,17
  9. Ps. 36,6
  10. Col. 3,4
  11. Mt. 24,13
  12. Ps. 36,7