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nuées ? Les prédicateurs de la vérité. C’est en ce sens qu’en un certain endroit de l’Écriture le Seigneur s’irrite contre une certaine vigne. Votre charité, je pense, me comprend, elle entend le prophète Isaïe qui dit de cette vigne : « J’ai attendu qu’elle produisît du raisin, elle n’a produit que des épines »[1]. Et pour nous ôter l’idée d’une vigne visible, voici la conclusion du Prophète : « La vigne du Seigneur des armées, c’est ta maison d’Israël ; le plant que Dieu aime, c’est le peuple de Juda »[2]. Il reproche donc à cette vigne de lui avoir produit des épines au lieu des raisins qu’il espérait. Et que dit-il ? « Je commanderai à mes nuées de ne plus répandre leur rosée sur elle »[3]. C’est donc dans sa colère que le Seigneur commande aux nuées de refuser la pluie. C’est ce qui est arrivé. Les Apôtres furent envoyés prêcher l’Évangile ; et nous voyons au livre des Actes que saint Paul voulait d’abord prêcher aux Juifs, et qu’au lieu de raisins il ne trouva chez eux que des épines. Ils commencèrent à lui rendre le mal pour le bien, et le persécutèrent. Alors, comme pour exécuter cette sentence : « Je commanderai aux nuées de ne point donner la pluie ; nous étions envoyés vers vous », dit l’Apôtre ; « mais puisque vous méprisez la parole de Dieu, nous allons vers les Gentils ». Ainsi s’accomplit : « Je commanderai aux nuées de ne plus verser la pluie sur elle ». La vérité descendit jusqu’aux nuées ; et de là vient que l’on put nous prêcher cette miséricorde de Dieu qui est dans le ciel et non sur la terre. Or, les prédicateurs de la vérité sent bien des nuées. Quand le Seigneur nous menace par ses prédicateurs, il tonne dans les nuées. S’il fait des miracles par ses prédicateurs, c’est l’éclair qui sillonne les nues, test l’effroi qui se répand par elles, c’est la pluie qu’elles versent. Donc, les prédicateurs qui annoncent la parole de Dieu sont les nuées de Dieu. Ainsi espérons la miséricorde, mais celle qui est du ciel.
9. « Votre justice est comme les montagnes ide Dieu ; vos jugements sont de profonds abîmes »[4]. Quelles sont les montagnes de tien ? Nous venons déjà d’appeler nuées ceux qui sont des montagnes, car ces montagnes sont les grands prédicateurs. Et de même que le soleil à son lever projette sur les sommets des montagnes ses rayons lumineux, qui descendent ensuite dans les plus profondes vallées ainsi Notre-Seigneur Jésus-Christ, à son avènement, jeta sur les Apôtres, comme sur des montagnes, les premiers rayons de sa lumière qui descendirent ensuite dans les vallées de la terre. De là vient qu’il est dit dans un psaume : « J’ai levé les yeux vers les montagnes, d’où me viendra le secours »[5], Mais n’allons pas croire que d’elles-mêmes des montagnes donneront du secours. Elles reçoivent ce qu’elles donnent, sans donner d’elles-mêmes. Et si tu demeures attaché à ces montagnes, ton espérance ne sera point ferme ; mais ton appui, ta confiance, doivent être en celui qui éclaire ces montagnes. C’est donc des montagnes que te viendra le secours, parce que les saintes Écritures te sont prêchées par ces montagnes ou par ces grands prédicateurs de la vérité ; mais ce n’est point en eux qu’il faut mettre ton espoir. Écoute alors ce que dit le Prophète : « J’ai levé les yeux vers les montagnes, d’où me viendra le secours ». Mais les montagnes me donneront donc le secours ? Point du tout ; écoute la suite : « Tout mon secours viendra du Seigneur qui a fait le ciel et la terre. »[6] Il vient ainsi par l’entremise des montagnes, et non des montagnes elles-mêmes. De qui vient-il donc ? « Du Seigneur qui a fait le ciel et la terre ». Il y avait aussi d’autres montagnes ; et quiconque s’en approchait avec sa barque faisait naufrage. Les princes de l’hérésie se sont élevés, et ils étaient des montagnes. Arius était une montagne, Donat était une montagne, Maximien depuis peu est comme une montagne[7]. Plusieurs, qui regardaient ces montagnes et désiraient la terre afin d’échapper aux flots, ont heurté contre des rochers et ont fait naufrage sur la terre. Ces montagnes étaient loin de séduire celui qui disait : « J’ai mis ma confiance dans le Seigneur, et comment dites-vous à mon âme : Passereau, va dans les montagnes ? »[8] Je ne veux mettre mon espoir ni en Arius ni en Donat. « Tout mon secours vient du Seigneur qui a fait le ciel et la terre ». Voyez ici combien vous mettez votre confiance en Dieu et combien vous attribuez aux hommes : « Car, maudit est celui qui met son espérance dans un

  1. Isa. 5,4
  2. Id. 6
  3. Id. 7
  4. Ps. 35,7
  5. Ps. 120,1
  6. Id. 2
  7. Ce Maximien était un diacre du schisme de Donat, qui devint évêque de Carthage contre Primianus, et fut le chef des Maximianistes. Voy. le disc, sur le Ps. 36
  8. Ps. 10,2