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des choses que je ne connaissais pas »[1] Pour nous, disons à notre chef : Seigneur, que ne saviez-vous pan ? Etiez-vous à ce point ignorant ? Ne connaissiez-vous point le cœur de ceux qui vous interrogeaient ? Ne vous étiez-vous point aperçu d’avance de leurs fourberies ? N’était-ce pas en connaissance de cause que vous vous étiez livré entre leurs mains ? N’étiez-vous point venu en ce monde pour subir leurs mauvais traitements ? Qu’ignoriez-vous donc ? Il ignorait le péché ; il ignorait ce péché, non comme s’il ne le condamnait pas, mais parce qu’il ne le commettait point. On emploie tous les jours de pareilles manières de parler ; car tu dis de quelqu’un : Il ne sait se tenir debout, pour dire : Il ne se tient pas debout ; il ne sait faire le bien, pour dire : Il ne fait pas de bien ; il ne sait pas faire le mal, pour dire : Il ne fait pas de mal. Ce qu’on ne fait pas n’intéresse nullement la conscience, et ce dont la conscience ne s’occupe pas, on semble ne pas le savoir. Ainsi, dans notre pensée, Dieu ignore comme l’art qui ne conduit pas au mal, mais qui apprend à connaître le vice et à le discerner. Lors donc que nous interrogeons notre chef, il nous répond dans toute la vérité de son Évangile ; quand nous lui disons : Seigneur, qu’ignoriez-vous ? Comment a-t-on pu vous interroger sur des choses que vous ne connaissiez pas ? Il nous dit : J’ignorais le péché, et ils m’interrogeaient sur le péché. Si tu ne crois pas que j’ignore le péché, lis l’Évangile et tu y verras que je ne connais pas même les pécheurs ; car je leur dirai à la fin du monde : « Je ne vous connais pas ; vous, qui commettez l’iniquité, retirez-vous de moi »[2]. Est-ce qu’il ne connaissait pas ceux qu’il condamnait ? Peut-il prononcer un jugement conforme à l’équité, s’il ne le porte pas en parfaite – connaissance de cause ? Il agissait en connaissance de cause, et pourtant il n’a pas menti quand il a dit : « Je ne vous connais pas » ; c’est-à-dire vous n’êtes pas unis à mon corps ; vous ne vous attachez pas à mes préceptes : vous êtes la personnification des vices ; et moi, je suis l’art, qui n’a rien de commun avec les défauts, et qui n’apprend rien autre chose qu’à les éviter. « Des témoins injustes s’étant levés, m’ont interrogé sur des choses que je ne connaissais pas ». Qu’est-ce que le Christ pouvait ainsi ignorer, sinon le blasphème ? Voilà pourquoi il fut accusé d’avoir blasphémé, lorsque interrogé par ses persécuteurs, il répondit selon la vérité. Mais quels furent ses accusateurs ? Ceux-là mêmes dont il est dit plus loin : « Ils me rendaient le mal pour le bien ; ils « rendaient à mon âme la stérilité ». Je leur apportai l’abondance, et ils me rendaient la stérilité : je leur apportai la vie, et ils me rendaient la mort : je leur apportai l’honneur, et ils me rendaient l’humiliation. Je leur apportai le remède, et ils me rendaient des blessures ; et, dans tout ce qu’ils me rendaient, il n’y avait que de la stérilité. Cette stérilité, il l’a maudite dans le figuier, lorsque, y cherchant des fruits, il n’en trouva aucun[3]. Il y avait des feuilles, mais pas de fruits ; des paroles, mais pas d’œuvres : abondance de paroles, stérilité en fait d’œuvres. « Tu prêches qu’il rie faut rien dérober, et tu dérobes ; tu dis que l’adultère est un crime, et tu commets l’adultère ». Tels étaient ceux qui interrogeaient le Christ sur des choses qu’il ne connaissait pas.
3. « Pour moi, lorsqu’ils m’interrogeaient, je me revêtais d’un cilice ; j’humiliais mon âme par le jeûne, et je répandais ma prière dans mon sein ». Nous savons, mes frères, que nous appartenons au corps de Jésus-Christ, puisque nous en sommes les membres : nous ne devons pas non plus l’ignorer : dans nos tribulations, il ne nous faut point penser à la manière dont nous répondrons à nos ennemis, mais chercher à leur être propices auprès de Dieu par nos prières, surtout à ne pas nous laisser vaincre par la tentation, et enfin, à obtenir du Tout-Puissant, pour nos persécuteurs, la guérison de leur âme et leur retour à la justice. Rien, de plus grand, rien de meilleur au sein des tribulations, que de s’éloigner du bruit extérieur, et d’entrer dans le plus profond intérieur de son âme pour invoquer Dieu, en ce sanctuaire où personne ne peut ni entendre nos gémissements, ni voir celui qui vient à notre aide ; mettons-nous-y à l’abri de toutes les ennuyeuses contrariétés qui nous viennent du dehors : fermons les portes de ce lieu secret ; humilions. – nous en faisant l’aveu de nos fautes ; louons et bénissons le Dieu qui nous corrige et nous – console : voilà bien la conduite que nous devons tenir.

  1. Ps. 34,11-12
  2. Mt. 7,23
  3. Mt. 21,19