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car il sait à qui il doit les accorder, à qui il doit les refuser, de la même manière que le médecin sait distribuer ses remèdes, parce qu’il connaît mieux les besoins d’un malade que le malade lui-même. Pour nous donner cette conviction, le Seigneur a partagé les siècles entre l’Ancien et le Nouveau Testament. Dans l’Ancien Testament, ses promesses ont pour objet les biens de cette vie ; dans le Nouveau, elles ont trait au royaume des cieux. Dans l’un et dans l’autre, le culte de Dieu et les mœurs sont réglés par des prescriptions presque semblables, mais les promesses y paraissent différentes ; la puissance prescriptive du supérieur, l’obligation d’obéir chez l’inférieur y sont les mêmes, mais la récompense ne l’est pas. Il a été dit, en effet, aux anciens : Vous entrerez en possession de la terre promise ; vous y régnerez ; vous y triompherez de vos ennemis ; vous ne leur serez point soumis dans ce pays ; vous y jouirez d’une complète abondance ; vous y engendrerez des enfants[1]. Ces avantages temporels furent promis ; mais ils l’étaient en figure. Tu peux supposer que quelques-uns ont vu, pour eux, l’accomplissement de telles promesses ; et, de fait, il en a été ainsi pour plusieurs. Une contrée a été donnée aux enfants d’Israël ; ils reçurent des richesses en partage ; des femmes stériles et presque parvenues à la vieillesse ont prié Dieu ; elles ont mis en lui leur espérance ; elles n’ont cherché d’autre secours que le sien même pour devenir mères, et elles ont mis au monde des enfants. Leur cœur n’est point resté sourd à cette parole du Seigneur : « Je suis ton salut ». Si cette parole est vraie pour les choses de l’éternité, pourquoi ne le serait-elle pas dans les affaires du temps ? Dieu en a donné la preuve dans la cause du saint homme Job. Le diable n’est à même de ravir les biens de ce monde qu’autant qu’il en a reçu le pouvoir de la part du souverain Maître. Il a pu porter envie au saint ; a-t-il été capable de lui nuire ? Il a pu l’accuser ; a-t-il été capable de le condamner ? A-t-il pu lui ôter quoi que ce fût, même un ongle, même un cheveu, avant d’avoir dit à Dieu « Laissez aller votre main[2] ? » Qu’est-ce à dire : « Laissez aller votre main ? Donnez-moi le pouvoir. Il le reçut ; il tenta Job ; Job fut tenté ; néanmoins, le tenté demeura victorieux, et le tentateur fut vaincu ; car Dieu, qui avait permis au diable de dépouiller de tout son serviteur, n’avait point abandonné celui-ci intérieurement, et il s’était fait de l’âme de Job un glaive pour vaincre l’esprit malin. Combien vaut cela ? Je parle de l’homme. Vaincu au paradis[3] ; victorieux sur un fumier ; au paradis, le diable s’est servi de la femme pour en triompher ; sur le fumier, il a triomphé du diable et de la femme. « Tu « as », dit-il, « parlé comme une d’entre les femmes insensées. Si nous avons reçu des biens de la main de Dieu, pourquoi ne supporterions-nous pas les maux qu’elle nous envoie ? »[4] Comme il avait bien entendu ces paroles : « Je suis ton salut ! »
8. « Que ceux qui cherchent mon âme soient couverts de confusion et de honte ». Vois de quels hommes il s’agit : « Priez », dit-il, « pour vos ennemis »[5]. Mais il y a ici une prophétie ce qui se dit sous forme de désir, s’explique dans le sens d’une prophétie. Que ceci et que cela se fasse, ne veut rien dire autre chose que : ceci et cela se fera. Comprenez donc ainsi la prophétie : « Que ceux qui recherchent mon âme soient couverts de confusion et de honte ». Quel sens donner à ces mots : « Qu’ils soient couverts de confusion et de honte ? » Ils seront couverts de confusion et de honte. L’événement a justifié la prophétie. Plusieurs, en effet, ont été couverts d’une salutaire confusion ; plusieurs, devenus honteux et animés d’une piété sincère, ont quitte les rangs des persécuteurs du Christ pour entrer en société avec ses membres. N’en cherchez pas la cause ailleurs que dans leur confusion et leur honte. Il a donc désiré leur bien. Les vaincus sont de deux sortes ; on est vaincu en deux manières ; car la défaite doit aboutir à un retour vers le Christ, ou à une condamnation par le Christ. Il est fait ici une allusion à ces deux sortes de vaincus ; mais cette allusion est obscure, et elle a besoin d’être expliquée. Il faut entendre, de ceux qui se convertissent, ces paroles : « Que ceux qui cherchent mon âme, soient couverts de confusion et de honte ; qu’ils passent en arrière ! » Qu’ils ne marchent pas les premiers, mais qu’ils viennent à la suite ; qu’ils ne donnent pas de conseils, mais qu’ils es reçoivent. Car Pierre a voulu prendre le pas sur le Seigneur, quand le Seigneur parlait par avance,

  1. Exod. 23,25-31
  2. Job. 1,11
  3. Gen. 3,6
  4. Job. 2,10
  5. Mt. 5,44