hommes doux ? ceux qui ne relèvent point arrogamment la tête contre leur maître, qui endurent le fouet et le frein ; qui deviennent si souples qu’ils marchent sans le fouet, et que sans frein et sans bride ils suivent le bon chemin. Si tu n’as le Seigneur pour cavalier, c’est toi qui tomberas et non lui. « Ils sont nombreux les châtiments du pécheur ; mais celui qui espère dans le Seigneur, sera environné par sa miséricorde ». Quel refuge pourrons-nous trouver dans le malheur ? Celui qui est d’abord dans l’affliction trouvera ensuite la miséricorde ; car cette miséricorde nous viendra de celui qui nous a donné la loi[1] ; la loi comme un châtiment, la miséricorde comme une consolation. « Celui qui espère dans le Seigneur trouvera ensuite la miséricorde ».
24. Quelle est donc la conclusion du psaume ? « Réjouissez-vous dans le Seigneur, ô vous qui êtes justes, et tressaillez de joie »[2]. Et vous, impies, qui vous réjouissez en vous-mêmes, vous, orgueilleux, qui n’avez de joie qu’en vous : maintenant que vous croyez en celui qui justifie l’impie, que votre foi vous sait imputée à justice[3]. « Réjouissez-vous dans le Seigneur, ô vous qui êtes justes, et tressaillez de joie » dans le Seigneur encore. Pourquoi cette joie ? parce que déjà vous êtes justes ; et d’où vous vient la justice ? non pas de vos mérites, mais de la grâce de Dieu. Pourquoi êtes-vous justes ? parce que vous avez été justifiés.
25. « Glorifiez-vous, ô vous qui avez le cœur droit »[4]. Comment votre cœur est-il droit ? C’est que vous ne résistez point à Dieu. Que votre charité redouble d’attention, et cous-prenez ce qu’est un cœur droit. Je le dis en peu de mots, mais qu’il faut bien retenir. Je bénis Dieu que ce soit en finissant, afin que cela demeure mieux gravé dans votre mémoire. Voici donc la différence qui existe entre le cœur droit et le cœur pervers. Qu’un homme qui se trouve ; sans le vouloir, dans les afflictions, dans les chagrins, dans les fatigues, dans les humiliations, ne voie eu tout cela que la juste volonté de Dieu, sans l’accuser de folie, comme s’il agissait en aveugle, en frappant celui-ci pour épargner celui-là, cet homme a le cœur droit : ceux-là au contraire ont le cœur mauvais, le cœur dépravé, le cœur perverti, qui taxent toujours d’injustice les tourments qu’ils endurent, et qui attribuent cette injustice à celui qui les permet ; ou bien qui lui enlèvent le gouvernement du monde, parce qu’ils l’incriminent. Dieu ne peut rien faire d’injuste, nous disent-ils ; or, il est injuste que la douleur soit pour moi et non pour cet autre : que je sois pécheur, je l’accorde ; mais il en est de plus coupables que moi, qui sont dans l’allégresse, et moi dans la douleur : comme donc il est injuste que de plus méchants que moi soient dans la joie quand je gémis dans la peine, moi qui suis juste, ou moins pécheur que ceux-là ; comme il y a là une injustice, j’en ai la conviction, et que j’ai aussi cette conviction que Dieu ne saurait faire le mal, j’en conclus que Dieu ne dirige point les choses du monde, et ne prend de nous aucun souci. Donc, l’égarement de ces hommes au cœur méchant et perverti, peut se réduire à trois points : ou qu’il n’y a pas de Dieu : « L’insensé dit dans son cœur : Dieu n’est pas »[5]. C’est là une des eaux de ce déluge dont nous avons parlé. Il s’est trouvé des philosophes pour soutenir cette doctrine, et pour dire que ce n’est point un Dieu qui gouverne et qui a créé toutes choses, mais qu’il y a plusieurs dieux s’occupant d’eux-mêmes en dehors du monde, et n’ayant aucun soin de cet univers. Donc, ou bien il n’y « a pas de Dieu », et c’est le langage de l’impie, qui désapprouve tout ce qui lui arrive en dehors de sa volonté, sans arriver à tel autre auquel il se préfère ; ou bien : Dieu est injuste, puisqu’il commet et approuve tout cela ou bien : Dieu ne gouverne point les choses d’ici-bas, et n’a pas soin de nous tous. Il y a dans chacun de ces trois points une grande impiété, puisque c’est nier Dieu, ou l’accuser d’injustice, ou lui enlever la direction des événements. D’où vient cette impiété ? de la dépravation du cœur. Dieu est la rectitude même, et un cœur qui n’est point droit ne s’accorde point avec lui. C’est ce que le psalmiste a dit ailleurs : « Combien est bon le Dieu d’Israël, pour ceux qui ont le cœur droit »[6]. Et parce qu’il touchait lui-même à l’un de ces points, et se demandait : « Comment Dieu sait-il ces choses, et comment le Très-Haut en a-t-il connaissance »[7] ; aussi a-t-il dit au même endroit : « Peu s’en est fallu
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