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il promet de déclarer ses fautes, et déjà Dieu les lui pardonne. Considérez bien, mes frères, cette grande miséricorde : le psalmiste dit seulement : « Je confesserai » ; il ne dit point : J’ai déclaré mon péché, et vous, Seigneur, vous l’avez remis, mais simplement : « Je le déclarerai, et vous me l’avez pardonné ». Dire en effet : « Je déclarerai », c’est dire par là même, que cette déclaration n’est pas encore sortie de sa bouche, mais faite seulement dans son cœur. Dire : « Je déclarerai », c’est déjà faire cette déclaration. Aussi « vous m’avez pardonné l’impiété de mon cœur ». Ma confession n’était pas encore sur mes lèvres ; j’avais dit seulement : « Je confesserai contre moi-même » ; et néanmoins le Seigneur a entendu ce cri de mon âme. Ma parole n’était pas encore dans ma bouche ; que déjà l’oreille de Dieu était dans mon cœur. « Vous m’avez remis l’impiété de mon âme », parce que j’ai dit : « Je confesserai ».
16. Mais cela était insuffisant, Le Prophète ne dit point Je confesserai mon injustice au Seigneur ; ce n’est pas sans raison qu’il ajoute : « Je confesserai contre moi » ; ce qui est important. Beaucoup en effet déclarent leurs injustices, mais les déclarent contre Dieu ; et quand ils sont surpris dans l’iniquité, ils répondent : C’est Dieu qui l’a voulu. Qu’un homme en effet dise : Je n’ai point fait cela, ou, ce que vous me reprochez n’est pas une faute ; il n’accuse ni lui-même ni Dieu. Qu’il dise au contraire : J’ai fait cela, c’est une faute, mais Dieu l’a voulu ainsi, en quoi suis-je coupable ? alors c’est Dieu qu’il accuse. Mais, direz-vous, il n’est personne qui parle ainsi ; qui oserait dire : C’est Dieu qui l’a voulu ? D’abord il y en a beaucoup pour le dire ; mais ceux qui ne le disent point formellement, que font-ils autre chose, en s’excusant ainsi : C’est le destin qui l’a voulu, c’est mon étoile qui en est cause ? Ils prennent un détour, mais pour arriver à Dieu. Par ces détours, ils veulent eu venir jusqu’à inculper Dieu, au lieu de prendre le chemin plus court de l’apaiser. Le destin m’a poussé, disent-ils. Qu’est-ce que le destin ? Ma mauvaise étoile en est cause. Qu’est-ce que ces étoiles ? Assurément celles que nous voyons à la voûte des cieux. Qui les a créées ? Dieu ; qui les a placées ? Dieu encore. Ainsi, tu le vois, tu as voulu dire que c’est Dieu qui t’a poussé au péché. L’injuste c’est lui, le juste c’est toi ; s’il n’avait ainsi disposé les choses, tu n’aurais point péché. Arrière toutes ces excuses du péché ; souviens-toi de ces paroles du psaume : « Ne laissez point aller mon cœur à ces paroles mensongères que l’on allègue pour excuser des péchés, parmi ces hommes qui commettent l’iniquité ». Toutefois ce sont des hommes importants, ceux qui atténuent ainsi leurs fautes ; ils sont importants ceux qui peuvent compter les étoiles, qui peuvent dire quand est-ce qu’un homme fera un acte coupable ou un acte de vertu, quand Mars commettra un homicide et, Vénus un adultère ; ce sont des hommes importants, des hommes savants, des hommes distingués dans le monde. Mais que nous dit le Psalmiste ? « Ne laissez point aller mon cœur à ces paroles mensongères, avec les hommes criminels ; je n’aurai point de part avec les plus habiles d’entre eux ». Que d’autres appellent savants et distingués ceux qui peuvent compter les étoiles ; que l’on accorde la sagesse à ceux qui règlent comme sur les doigts les destinées des hommes qui lisent nos mœurs dans les étoiles ; pour moi, je sais que Dieu m’a doué du libre arbitre, que si j’ai péché, c’est bien moi qui ai péché ; non seulement je confesserai mon péché au Seigneur, mais je le confesserai contre moi, et non contre lui. « Pour moi, j’ai dit : Seigneur, ayez pitié de moi », c’est le malade qui appelle un médecin. « Pour moi, j’ai dit ».A quoi bon mettre : « Moi j’ai dit », quand il suffisait de dire simplement : J’ai dit ? Le moi est ici emphatique ; c’est bien moi, ce n’est ni le destin, ni la fortune, ni le diable ; ce dernier ne m’a point forcé, mais moi j’ai consenti à ses instigations : « Pour moi, j’ai dit au Seigneur : Ayez pitié de moi, guérissez mon âme, parce que j’ai péché contre vous »[1]. C’est aussi la résolution qu’il arrête ici : « J’ai dit : Je confesserai contre moi mon iniquité au Seigneur, et vous m’avez pardonné l’impiété de mon cœur ».
17. « C’est pour cela que tout homme saint vous invoquera au temps favorable »[2]. Quel est ce temps opportun ? Et qu’est-ce à dire, pour cela ? » À cause de leur impiété. Laquelle ? Celle qu’a dû couvrir le pardon de leur péché. « C’est pour cela que tout homme saint vous invoquera, parce que vous lui avez remis ses fautes ». Sans ce pardon des fautes

  1. Ps. 40,5
  2. Id. 31,6