nous dit donc la Genèse de l’expulsion d’Adam ? Dieu se promenait dans le paradis ; et il s’y promenait vers le soir. Déjà le pécheur s’était caché dans l’ombre des arbres, il voulait éviter la face de Dieu[1], qui faisait auparavant ses délices. Déjà s’était couché pour lui le soleil de la justice, et la présence de Dieu lui était à charge. Alors commença pour lui cette vie mortelle. « Le soir s’écoulera dans les pleurs ». Tu seras longtemps dans les pleurs, ô pauvre humanité ; tu as Adam pour père, et tu lui es devenue semblable : et nous aussi nous venons d’Adam ; et tous les fils qui sont nés jusqu’alors, et qui doivent naître à l’avenir, sont fils d’Adam comme leurs pères. « Le soir s’écoulera dans les larmes, et au matin éclatera la joie ». Quand se lèvera pour les fidèles cette lumière qui a délaissé les pécheurs. Car le Seigneur Jésus est sorti du tombeau le matin[2], afin de faire espérer, à tout l’édifice, cette dédicace déjà faite dans la pierre fondamentale. Pour Notre-Seigneur, le soir fut le moment de sa-sépulture ; et le matin eut lieu sa résurrection, au troisième jour. Toi aussi tu as été enseveli au soir dans le paradis, et tu es ressuscité le troisième jour. Comment le troisième jour ? À suivre le cours des temps, il y a un jour avant la loi, un second jour sera le temps de la loi, le troisième, le temps de la grâce. Ce que votre chef a montré en lui-même pendant ces trois jours, se manifestera aussi en vous dans les trois jours de cette vie. En quel temps ? C’est au matin qu’il faut être dans l’espérance et dans l’allégresse ; maintenant, c’est le temps de la douleur et des gémissements.
17. « En mes jours d’abondance, j’ai dit : Je ne serai jamais ébranlé »[3]. Dans quelle abondance l’homme a-t-il pu dire : « Je ne serai jamais ébranlé ? » Nous entendons ici, mes frères, l’homme vraiment humble. Qui donc est ici-bas dans l’abondance ? Personne. Quelle serait l’abondance de l’homme ? Les misères et la douleur. Pour les riches, direz-vous, il est une abondance. Plus ils possèdent, plus ils sont pauvres. Les convoitises les dévorent, les passions les agitent, les craintes les déchirent, les chagrins les dessèchent : où est donc leur abondance ? L’homme avait l’abondance dans le paradis terrestre, quand rien ne lui manquait, et qu’il jouissait de Dieu ; mais il a dit : « Je ne serai point ébranlé éternellement ». Comment a-t-il pu dire : « Je ne serai jamais ébranlé ? » Quand il écouta cette parole : « Goûtez et vous serez comme des dieux » ; lorsqu’à cette parole du Seigneur : « Au jour où vous en mangerez, vous mourrez », le diable opposait celle-ci : « Vous ne mourrez point »[4]. L’homme alors trop crédule écoutait les suggestions du diable et disait : « Je ne serai point ébranlé à jamais ».
18. Mais le Seigneur avait dit vrai en menaçant d’enlever au superbe ce qu’il avait donné à l’homme humble, en le créant ; et le Prophète ajoute : « Seigneur, dans votre bonté, vous aviez réuni en moi la beauté et la force »[5] : c’est-à-dire, je n’avais de moi-même ni force ni beauté ; toute ma beauté, toute ma force me viennent de vous : cette bonté qui vous déterminait à me créer, vous avait fait unir en moi la beauté à la force, Et pour me montrer que je devais à votre volonté d’être ainsi, « vous avez détourné de moi votre face, et je suis tombé dans le trouble »[6]. Dieu détourna sa face de ce pécheur qu’il expulsait du paradis. Alors, dans son exil, qu’il s’écrie et qu’il dise : « Je crierai vers vous, Seigneur, je vous supplierai, ô mon Dieu »[7]. Dans le paradis, tu n’auras pas à crier, mais à chanter le Seigneur ; point a gémir, mais à jouer : tu en es chassé, il faut gémir, il faut crier. Celui qui abandonne l’orgueilleux, revient à l’homme qui, sent sa misère. « Car Dieu résiste aux superbes et donne la grâce aux humbles »[8]. Je crierai donc vers vous, ô mon Dieu ; Seigneur, « je vous supplierai ».
19. Ce qui suit maintenant est propre à Notre-Seigneur, qui est notre pierre fondamentale : « Qu’est-il besoin de verser mon sang, si je dois m’en aller en pourriture ? »[9]. Quel est l’objet de sa prière ? La résurrection, Si je descends dans la corruption, dit-il, et que ma chair s’en aille en pourriture comme celle des autres hommes, pour ressusciter au dernier jour, à quoi bon répandre mon sang ? Si ma résurrection ne s’effectue maintenant, je ne la prêcherai à personne, je ne gagnerai aucun disciple ; mais pour que j’annonce à quelqu’un vos merveilles, vos louanges, la vie éternelle, il faut que je ressuscite en ma chair et qu’elle ne s’en aille pas en corruption. Si
Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VIII.djvu/260
Cette page n’a pas encore été corrigée