vœux accomplis par le Christ en présence de ceux qui le craignaient. Car voici ce qui suit : « Les pauvres mangeront et seront rassasiés[1] ». Bienheureux donc ces pauvres qui mangent ainsi pour être rassasiés ! Donc, les pauvres mangent. Quant aux riches, ils ne sont pas rassasiés, parce qu’ils n’ont pas faim. Les pauvres mangeront. Il était un pauvre, ce Pierre le pêcheur, et Jean cet autre pêcheur, et Jacques son frère[2], et même le publicain Matthieu[3]. Ils étaient des pauvres, tous ces autres qui mangèrent et qui furent rassasiés, parce qu’ils souffrirent comme la victime qu’ils mangeaient. Car le Christ a donné ses douleurs comme il a donné ses festins ; c’est celui qui souffre comme lui, qui est rassasié. Les pauvres l’imitent, car ils souffrent pour suivre les traces de Jésus-Christ. « Ces pauvres mangeront ». Comment sont-ils pauvres ? « C’est qu’ils louent le Seigneur, ceux qui le recherchent[4] ». Les riches se louent eux-mêmes, les pauvres louent le Seigneur. Comment donc sont-ils pauvres ? C’est qu’ils bénissent le Seigneur, qu’ils recherchent le Seigneur, et que le Seigneur est le trésor des pauvres ; d’où vient que leur maison est dénuée, tandis que leur cœur est plein de richesses, Que le riche travaille à remplir ses coffres, le pauvre cherche à remplir son cœur : et quand leur cœur est enrichi, ils bénissent le Seigneur, ceux qui le recherchent. Voyez, mes frères, en quoi consiste la richesse de ces vrais pauvres ; elle ne loge, ni dans les coffres, ni dans les greniers, ni dans tes celliers. « Leurs cœurs vivront dans l’éternité ».
28. Écoutez-moi donc, mes frères. Le Christ a souffert, il a enduré tout ce que vous avez entendu ; nous avons cherché le but de ses douleurs, et il s’est mis à nous dire : « J’annoncerai votre nom à mes frères, je vous chanterai au milieu de l’Église ». Mais ils répliquent : Nous sommes cette Église. « Qu’il soit redouté dans la postérité d’Israël ». Et eux de dire : Nous sommes la postérité d’Israël. « Il n’a point rejeté ni dédaigné la « prière des pauvres ». Ils disent encore Nous sommes ces pauvres. « Il n’a pas détourné de moi son visage ». Jésus-Christ, notre Seigneur, n’a pas détourné sa face de lui-même, ou de son corps, qui est l’Église. « En vous est ma louange ». Et vous voulez vous louer vous-mêmes. Mais, nous répondront-ils, c’est bien lui que nous chantons aussi. « Je remplirai mes vœux en présence de ceux qui le craignent ». Les fidèles savent que c’est un sacrifice de paix, un sacrifice de charité, le sacrifice de son corps : nous ne pouvons aujourd’hui nous étendre à ce sujet. « Je remplirai mes vœux devant ceux qui me craignent ». Mangez, publicains, mangez pêcheurs, mangez, imitez le Seigneur, souffrez, et vous serez rassasiés. Le Seigneur lui-même est mort ; les pauvres meurent à leur tour, et la mort des disciples vient s’ajouter à la mort du maître. Pourquoi ? montrez-m’en l’utilité. « Les extrémités de la terre se ressouviendront du Seigneur, et se tourneront vers lui[5] ». Hélas ! mes frères, pourquoi nous demander ce que nous répondrons aux partisans de Donat ? Ce psaume que nous lisons ici aujourd’hui se ht encore aujourd’hui chez eux. Gravons-le sur nos fronts, marchons avec lui, ne donnons aucun repos à notre langue, et répétons sans cesse : Le Christ a souffert, voilà que ce négociant divin nous montre ce qu’il vient d’acheter, son sang qu’il a répandu en est le prix. Il portait ce prix dans une bourse divine ; et cette bourse s’est répandue sous le coup d’une lance impie, et il en est sorti la rançon du monde entier. Que viens-tu me dire, ô hérétique ? N’est-ce point le prix de l’univers entier ? l’Afrique seule serait-elle rachetée ? tu n’oserais le dire. Tout l’univers a été racheté, diras-tu, mais il a échappé au Christ. Quel ravisseur a donc fait perdre au Christ ce qui lui appartenait ? « Voilà que tous les confins de la terre se souviendront du Seigneur, et se tourneront vers lui ». Que ces paroles vous suffisent donc. S’il était dit : Les confins de la terre, et non, « tous les confins de la terre », ils pourraient nous répliquer : Nous avons en Mauritanie ces confins de la terre. Mais, ô hérétique, il a dit : « Tous les confins de la terre », oui, « tous » ; où donc pourras-tu fuir, pour éviter cette réponse ? Nul moyen d’échapper ; il ne te reste que la porte pour entrer.
29. Toutefois, mes frères, je ne veux pas établir une dispute, de peur que l’on attribue quelque valeur à mon discours. Écoutez donc le psaume, et lisez-le. Voilà que le Christ a souffert, son sang est répandu ; voilà d’une part le Rédempteur, et d’autre part la rançon. Qu’on me dise l’objet racheté. Mais pourquoi
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