Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VIII.djvu/183

Cette page n’a pas encore été corrigée

contre le nom chrétien aient enveloppé la terre comme d’un nuage et rendu invisible la lune ou l’Église ; soit que tant de martyrs égorgés et tant de sang répandu, aient détourné du nom chrétien les âmes faibles, en couvrant l’Église d’un voile sanglant, comme celui qui paraît quelquefois sur la lune et qui l’obscurcit ; dans ces jours de terreur, les impies décochaient comme autant de flèches, ces paroles artificieuses et sacrilèges, qui pervertissaient même les cœurs purs. On peut encore entendre ce passage, des pécheurs qui sont dans l’Église, qui ont saisi l’occasion d’un obscurcissement de la lune, pour commettre les forfaits que nous reprochent maintenant les hérétiques, accusés d’en être les auteurs. Mais quelle que soit la source des crimes commis pendant l’obscurité de la lune, maintenant que la religion catholique est répandue et respectée dans tout l’univers catholique, pourquoi m’inquiéter de faits que j’ignore ? Ma confiance est au Seigneur, et loin de moi, « ceux qui disent à mon âme : Va, chétif passereau, vers les montagnes. Car voilà que les pécheurs ont préparé leur arc pour décocher leurs flèches sur les cœurs droits, dans l’obscurité de la lune ». Et cette lune leur paraît encore obscure, parce qu’ils s’efforcent de jeter l’incertitude sur la véritable Église catholique, et qu’ils arguent contre elle des fautes de ces hommes charnels qu’elle contient en grand nombre. Qu’est-ce que ces tentatives, pour celui qui dit véritablement : Ma confiance est dans le Seigneur, qui montre par ce langage qu’il est le froment de Dieu, et qu’il supporte la paille avec patience, jusqu’à ce que viendra le temps de la vanner ?
5. « Ma confiance est donc au Seigneur ». Que ceux-là tremblent qui mettent leur confiance dans un homme, et qui ne peuvent nier qu’ils lui appartiennent, puisqu’ils jurent sur ses cheveux blancs ; et si vous leur demandez en conversation à quelle communion ils appartiennent, ils ne peuvent se faire connaître qu’en se proclamant de son parti. Mais dites-moi ce qu’ils peuvent répondre, quand on leur représente ces crimes, ces forfaits innombrables qui remplissent chaque jour leur parti ? Peuvent-ils dire : « Ma confiance est au Seigneur ; et comment dites-vous à mon âme de se réfugier dans les montagnes comme le passereau ? » Car ils n’ont plus confiance dans le Seigneur, en soutenant que les sacrements ne sanctifient que quand ils sont administrés par des hommes saints ? Aussi, demandez-leur quels sont les saints, ils rougiront de dire : C’est nous ; et s’ils ne rougissent de le dire, ceux qui les entendront, rougiront pour eux. Ils forcent donc ceux qui reçoivent les sacrements, à mettre leur confiance dans un homme, dont le cœur échappe à nos yeux. Or, « maudit soit celui qui met son espoir dans un homme[1] ». Dire en effet : C’est ce qui est administré par moi, qui est saint, n’est-ce pas dire : Mettez votre espérance en moi ? Mais que sera ce sacrement si vous n’êtes pas saint ? Alors montrez-moi votre cœur. Et si vous ne le pouvez, comment saurai-je que vous êtes saint ? Alléguerez-vous ce passage de l’Écriture : « Vous les connaîtrez à leurs œuvres[2] ? » Assurément, je vois chez vous des œuvres merveilleuses ; je vois chaque jour les Circoncellions courir çà et là sous la conduite de leurs évêques et de leurs prêtres, et donner le nom d’Israël à de terribles bâtons ; c’est là ce que les hommes de nos jours ne voient et n’éprouvent que trop. Quant aux actes du temps de Macaire, qu’ils nous reprochent amèrement, peu les ont vus, nul ne les voit maintenant ; et quand on les voyait, tout catholique n’en pouvait pas moins dire, s’il voulait être serviteur de Dieu : « Ma confiance est dans le Seigneur ». C’est le langage que tient encore celui qui voit dans l’Église ce qu’il voudrait n’y point voir, qui se sent nager dans ces filets pleins de poissons, bons et mauvais, jusqu’à ce que l’on arrive sur les sables de la mer, pour séparer les bons des mauvais[3]. Que peuvent répondre ces hérétiques, si l’homme qu’ils veulent baptiser leur fait cette question : Comment m’ordonnez-vous d’avoir confiance ? Car si le mérite d’un sacrement est basé sur celui qui le donne et sur celui qui le reçoit, si c’est Dieu qui le donne et ma conscience qui le reçoit, voilà deux termes dont j’ai la certitude, sa bonté, et ma foi. Pourquoi venir vous interposer, vous dont je ne puis tirer, aucune certitude ? Laissez-moi chanter : « Ma confiance est dans le Seigneur ». Car si je mettais ma confiance en vous, qui peut me garantir que vous n’avez commis aucune faute cette nuit ? Enfin, si vous voulez que j’aie confiance en vous, puis-je avoir d’autre motif que votre parole ?

  1. Jer. 17,5
  2. Mt. 7,16
  3. Id. 13,47