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actuelle, non de lieu, mais d’affection, entre les pécheurs et les justes, comme dans l’aire on sépare déjà le bon grain de la paille. Le Prophète continue : « Que les pécheurs soient précipités dans l’enfer[1] ». Qu’ils soient livrés en leurs propres mains alors que Dieu les épargne, et enlacés dans leurs joies mortelles. « Ainsi que toutes les nations qui oublient le Seigneur[2] », car elles ont refusé de connaître le Seigneur, et il les a livrées au sens réprouvé[3].

18. « Car le pauvre ne sera pas éternellement en oubli[4] » : lui qui paraît oublié maintenant, quand le bonheur de cette vie semble s’épanouir pour les pécheurs, et que la tristesse est pour le juste ; mais, dit le Prophète, « la patience des affligés ne périra pas éternellement ». Cette patience leur est nécessaire maintenant pour supporter les impies, dont ils sont séparés déjà par l’affection, jusqu’à ce qu’ils le soient tout à fait au dernier jugement.

19. « Levez-vous, Seigneur, et que l’homme ne s’affermisse point[5] ». Le Prophète appelle de ses soupirs le jugement dernier ; mais avant qu’il arrive : « Que les nations, dit-il, soient jugées en votre présence », c’est-à-dire dans le secret et sous l’œil de Dieu, puisqu’il n’y a pour le comprendre que le petit nombre des saints et des justes. « Seigneur, faites peser sur eux le joug d’un législateur[6] » ; qui serait, si je ne me trompe, l’Antéchrist, dont l’Apôtre a dit que l’homme de péché se révélera[7]. Que les peuples sachent bien qu’ils ne sont que des hommes », et puisqu’ils refusent d’être délivrés par le Fils de Dieu, d’appartenir au Fils de l’homme, d’être enfants des hommes, ou des hommes nouveaux, qu’ils soient assujettis à l’homme, c’est-à-dire au vieil homme du péché, puisqu’ils sont eux-mêmes des hommes.

CONTINUATION DU PSAUME 9

INSCRITE DANS L’HÉBREU SOUS LE NUMÉRO 10.

20. Comme l’Antéchrist ou l’homme de péché s’élèvera, croit-on, jusqu’à un tel degré de vaine gloire, déploiera un tel pouvoir sur tous les hommes et sur les élus de Dieu, que plusieurs auront la faiblesse de croire que Dieu ne s’intéresse plus aux hommes ; le Prophète, après un Diapsalma, exprime en quelque sorte les gémissements et les plaintes que soulève le retard du jugement. « Pourquoi dit-il, pourquoi, Seigneur, tant vous éloigner[8] ? » Et aussitôt l’interrogateur, comme s’il avait une illumination soudaine, ou comme s’il n’eût demandé ce qu’il savait bien que pour nous l’apprendre, ajoute : « Vous vous dérobez dans le temps propice, dans la tribulation » ; c’est-à-dire, vous vous dérobez à propos, et vous suscitez la tribulation pour attiser dans les cœurs le désir de votre avènement ; plus est longue la soif qui les dévore, et plus agréable sera la source de vie. Aussi le Prophète a-t-il pénétré la cause de ces retardements, quand il dit : « L’orgueil du méchant est un stimulant pour le pauvre ». C’est chose incroyable et vraie néanmoins, que la vue des pécheurs embrase les petits d’une vive ardeur, de sainte espérance qui les porte à une vie meilleure. La même raison mystérieuse a fait permettre à Dieu qu’il y eût des hérésies. Tel n’est pas sans doute le dessein des hérétiques, mais la sagesse de Dieu sait tirer avantage de leur perversité, elle qui crée et qui règle la lumière, qui règle seulement les ténèbres[9], afin qu’en les comparant à la lumière, on trouve celle-ci plus gracieuse

  1. Psa. 9,18
  2. Psa. 9,18
  3. Rom. 1,28
  4. Psa. 9,19
  5. Psa. 9,20
  6. Id. 21
  7. 1Th. 2,3
  8. Psa. 9,1
  9. Gen. 1,3-4