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mais contre chacun des membres. « Tu as brisé les dents des pécheurs ». Chacun de nous a ses ennemis qui le maudissent ; il a en outre les fauteurs du mal qui cherchent à nous retrancher du corps de Jésus-Christ. Mais le salut appartient au Seigneur ». Évitons l’orgueil et disons : « Mon âme s’est attachée à ta suite[1] », et « que ta bénédiction soit sur ton peuple[2] », ou sur chacun de nous.


DISCOURS SUR LE PSAUME 4

LE VRAI BONHEUR.

Le Prophète nous montre dans ce cantique l’âme qui s’élève au-dessus des biens terrestres et périssables pour trouver en Dieu le repos et le bonheur.

POUR LA FIN, PSAUME CANTIQUE DE DAVID (Ps. 4,1).

1. « Le Christ est la fin de la loi pour justifier tous ceux qui croiront en lui[3] » ; mais cette fin a le sens de perfectionnement et non de destruction. On peut se demander si tout cantique est un psaume, ou plutôt si tout psaume ne serait pas un cantique ; s’il y a des cantiques auxquels ne conviendrait pas le nom de psaume, et des psaumes que l’on ne pourrait appeler cantiques. Mais il est bon de voir dans les Écritures, si le titre de cantique n’indiquerait pas la joie ; et le nom de psaumes indiquerait des chants exécutés sur le psaltérion, dont se servit David, au rapport de l’histoire[4], pour figurer un grand mystère, que nous n’approfondirons pas ici ; cela exige de longues recherches, et une longue discussion. Écoutons aujourd’hui la parole de l’Homme-Dieu, après sa résurrection, ou du disciple de l’Église qui croit et qui espère en lui.

2. « Quand je priais, le Dieu de ma justice m’a exaucé[5] ». Ma prière, dit-il, a été exaucée par Dieu, auteur de ma justice. « Dans les tribulations, vous avez dilaté mon cœur[6], vous m’avez fait passer des étreintes de la douleur aux dilatations de la joie ; car la tribulation et l’étreinte sont le partage de l’âme, chez tout homme qui fait le mal[7] ». Mais celui qui dit : « Nous nous réjouissons dans les afflictions, sachant que l’affliction produit la patience » ; jusqu’à ces paroles : « Parce que l’amour de Dieu est répandu dans nos cœurs par l’Esprit-Saint qui nous a été donné[8] » : celui-là n’endure point les étreintes du cœur, quoi que fassent pour les lui causer ses persécuteurs du dehors. Le verbe est à la troisième personne, quand le Prophète s’écrie : « Dieu m’a exaucé », et à la seconde, quand il dit : « Vous avez dilaté mon cœur » ; si ce changement n’a point pour but la variété ou l’agrément du discours, on peut s’étonner qu’il ait voulu d’abord proclamer devant les hommes qu’il a été exaucé, puis interpeller son bienfaiteur. Sans doute qu’après avoir dit qu’il a été exaucé dans la dilatation de son cœur, il a préféré s’entretenir avec Dieu, afin de nous montrer par là que dans cette dilatation du cœur, Dieu lui-même se répand dans notre âme qui s’entretient avec lui intérieurement. Ceci s’applique très bien au fidèle qui croit en Jésus-Christ, et en reçoit la lumière ; mais je ne vois point comment nous pourrions l’entendre de Notre-Seigneur, puisque la divine sagesse unie à son humanité, ne l’a point abandonné un instant. Toutefois, de même que dans la prière il faisait ressortir notre faiblesse plutôt que la sienne ; de même aussi, dans cette dilatation du cœur, Notre-Seigneur peut parler au nom des fidèles, dont il s’attribue le rôle quand il dit : « J’ai eu faim, et vous ne m’avez pas nourri ; j’ai eu soif, et vous ne m’avez point donné à boire[9], et le reste.

  1. Ps. 62,3
  2. Ps. 3,9
  3. Rom. 10,4
  4. 1 Chr. 13,8
  5. Ps. 4,2
  6. Id.
  7. Rom. 2,9
  8. Rom. 5,3-5
  9. Mt. 25,35