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6. « Le Seigneur, en effet, connaît la voie des justes[1] ». Comme on dit : « La médecine connaît la guérison, mais non la maladie », et toutefois la maladie elle-même est connue par l’art médical ; on peut dire dans le même sens que Dieu connaît la race des justes, et non la race des impies ; non pas que Dieu ignore quelque chose, bien qu’il dise aux pécheurs : « Je ne vous connais point[2] ». « Mais la voie de l’impie doit périr », se dit dans le même sens que si on lisait : Le Seigneur ne connaît point la voie de l’impie. Mais nous voyons clairement par là que celui qui est ignoré de Dieu doit mourir, comme celui qui en est connu doit subsister. En Dieu, être connu, c’est être ; être ignoré, c’est n’être pas. Il a dit en effet : « Je suis celui qui suis », et « Celui qui est, m’a envoyé[3] ».


DISCOURS SUR LE PSAUME 2

L’ÉGLISE ET SES PERSÉCUTEURS.

Les méchants veulent secouer le joug de Dieu et de son Christ ; mais il a établi, ce Christ chef de son royaume ou de l’Église qui s’étendra partout. Comprenez cette puissance, et faites-vous de la foi un abri contre ses vengeances.

1. « À quoi bon ce frémissement des nations, et ces vaines machinations des peuples ? Les rois de la terre se sont levés, les princes ont formé des ligues contre le Seigneur et contre son Christ[4] ». Le psalmiste dit : « À quoi bon », comme il dirait : C’est en vain ; car ces ligueurs n’ont pas atteint le but qu’ils se proposaient, l’extinction du Christ : c’est la prédiction des persécuteurs de Jésus dont il est fait mention dans les Actes des Apôtres[5].

2. « Brisons leurs liens, et rejetons leur joug loin de nous[6] ». Bien que ces paroles soient susceptibles d’un autre sens, il est mieux de les appliquer à ceux dont le Prophète a dit qu’ils machinaient en vain ; en sorte que « brisons leurs chaînes, et rejetons leur joug loin de nous », signifie : appliquons-nous à éluder les devoirs et à rejeter le fardeau de la religion chrétienne.

3. « Celui qui habite dans les cieux se rira d’eux, le Seigneur les persiflera[7] ». La même pensée est deux fois exprimée : car au lieu de : « Celui qui habite dans les cieux », le Psalmiste a dit : « Le Seigneur » ; et « se rira », est remplacé par « persiflera ». Gardons-nous toutefois d’entendre ces expressions d’une manière humaine, comme si Dieu plissait des lèvres pour rire, et des narines pour se moquer. Il faut entendre par là, le pouvoir qu’il donne à ses élus de lire dans l’avenir, d’y voir le nom du Christ se transmettant jusqu’aux derniers humains, s’emparant de tous les peuples, et de comprendre ainsi combien sont vaines les trames des méchants. Ce pouvoir qui leur découvre cet avenir, c’est la moquerie et le persiflage de Dieu. « Celui qui habite les cieux se rira d’eux ». Si, par les cieux, nous comprenons les âmes saintes, c’est en elles que le Seigneur connaissant ce qui doit arriver, se rit des vains complots et tourne en dérision.

4. « Alors il leur parlera dans sa colère, et les confondra dans sa fureur[8] ». Pour nous mieux préciser l’effet de cette parole, David a dit : « Il les confondra » ; en sorte que « la colère » de Dieu est identique « à sa fureur ». Mais cette colère et cette fureur du Seigneur Dieu, ne doit pas s’entendre d’une perturbation de l’âme ; c’est le cri puissant de la justice dans toute créature, soumise à Dieu pour le servir. Car il faut bien nous rappeler et croire ce qu’a écrit Salomon : « Pour toi, ô Dieu de force, tu es calme dans tes jugements, et tu nous gouvernes avec une sorte

  1. Ps. 1,6
  2. Mt. 7,23
  3. Exod. 3,14
  4. Ps. 2,1-2
  5. Act. 4,26
  6. Ps. 2,3
  7. Ib. 4
  8. Ps. 2,5