més ; supposer que c’est au nom de ces derniers que s’exprime ainsi l’Apôtre : « Et nous, nous serons changés ? » Nous devrions faire le même raisonnement, attendu que tous seront incorruptibles, « lorsque, corruptible, ce corps se sera revêtu d’incorruptibilité, et, mortel, d’immortalité ; lorsque s’accomplira cette parole de l’Écriture : La mort a disparu dans sa victoire ; ô mort, où est ton ardeur ? ô mort, où est ton aiguillon ? » Mais, dès que le corps n’est plus mortel, il ne mérite plus les noms de chair et de sang, ce sont là des éléments tout terrestres, il mérite plutôt le nom de corps, car ce nom désigne parfaitement les corps célestes. Aussi l’Apôtre dit-il, pour signaler les différences qui distinguent les corps charnels : « Toute chair n’est pas la même chair ; autre est celle des hommes, autre celle des brebis, autre celle des poissons, autre celle des oiseaux, autre celle des serpents ». Puis il continue : « Il y a aussi des corps célestes et des corps terrestres[1] ». Assurément il ne dirait pas des chairs célestes, bien que le mot de chair puisse s’appliquer à des corps, mais à des corps exclusivement terrestres. Toute chair est corps, mais tout corps n’est pas chair : non-seulement on ne peut désigner sous le nom de chair les corps célestes : n’y a-t-il pas même des corps terrestres, tels que les végétaux et les minéraux, d’autres encore, qui ne sont point des corps de chair ? Dans ce sens donc encore, « ni la chair ni le sang ne sauraient posséder le royaume de Dieu » ; car la chair en ressuscitant, sera transformée et exempte de toute corruption menant à la mort, ce qui lui fera perdre les noms de chair et de sang.
22. Renouvelez votre attention, mes frères ; nous vous en conjurons, car il s’agit d’une chose importante, il est question de notre foi, et il faut la prémunir, moins contre les païens que contre certains hommes qui veulent porter le nom et avoir l’air de chrétiens. Du temps même des Apôtres il y avait des esprits qui prétendaient que la résurrection était fuite et qui pervertissaient la foi de quelques âmes. C’est d’eux que l’Apôtre disait : « Ils se sont égarés près de la vérité, affirmant que la résurrection est accomplie, et ils ont perverti la foi de quelques-uns[2] ». Ce n’est pas sans motif qu’au lieu de dire : Ils se sont éloignés de la vérité, saint Paul dit simplement : « Ils se sont égarés près de la vérité », sans, bien entendu, s’attacher à elle. En effet, la mort disparaîtra et dans un certain sens il n’en sera plus question : « Ce qui est mortel », dit l’Apôtre, « sera absorbé par la vie[3] ». Du Seigneur aussi il est écrit qu’il a englouti la mort[4]. Ce n’est pas que la mort s’échappe comme si elle subsistait par elle-même, c’est qu’elle disparaîtra du corps où elle était ; et tout en voyant, tout en saisissant la forme de ce corps, on y cherchera, sans les y trouver, la corruption et la mortalité. Cette corruption est-elle allée quelque part ? Non ; mais elle a été anéantie, absorbée dans ce corps. Aussi bien, après ces paroles : « Il faut que, corruptible, ce corps se revête d’incorruptibilité, et mortel, d’immortalité », l’Apôtre ajoute : « Alors s’accomplira cette parole de l’Écriture : La mort a été engloutie dans sa victoire. Ô mort, où est ton ardeur ? Où est, ô mort, ton aiguillon ? » Il n’est pas dit : La mort a disparu dans sa victoire ; mais : « La mort a été engloutie dans sa victoire ». Comment ces hommes se sont-ils égarés près de la vérité ? Parce qu’en admettant la réalité d’une résurrection, ils ont nié la vérité d’une autre.
23. Il y a effectivement une résurrection due à la foi : croire, c’est ressusciter en esprit, et ressusciter spirituellement, c’est un gage qu’on parviendra heureusement à la résurrection corporelle. Pour ceux que la foi n’aura point ressuscités en esprit, ils n’obtiendront point, en ressuscitant corporellement, cette heureuse transformation où disparaîtra toute espèce de corruption, ils seront plutôt réintégrés pour leur malheur. Les corps des impies mêmes leur seront rendus tout entiers, aucun membre n’en sera retranché ; mais ce sera pour leur supplice qu’ils recouvreront cette intégrité, et, si je puis parler ainsi, cette espèce de solidité, de solidité corruptible. Peut-on dire qu’il n’y a point de corruption, là où il y a douleur ? Si la faiblesse humaine ne succombe pas entièrement sous le poids de la peine, c’est pour empêcher que la douleur même ne s’évanouisse point. Aussi a-t-on raison de voir la corruption dans le terme prophétique de ver, vermis, et la douleur dans celui de feu. De plus, comme cette solidité corporelle ne succombera point en mourant, sous le poids des douleurs, et que d’un autre