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comme un fumier, aspirant à « avoir en lui, non sa propre justice, qui vient de la loi, mais celle qui vient de Dieu par la foi en Jésus-Christ ». Que dit ensuite le même Apôtre de ceux qui se sont heurtés contre la pierre d’achoppement ? Qu’ils s’appuyaient, non sur la foi, « mais sur les œuvres » ; et que c’est en quelque sorte leur justice même qui a fait qu’ils se sont heurtés contre la pierre d’achoppement, comme il est écrit : Voici que je mets en Sion une pierre d’achoppement et une pierre de scandale ; et quiconque croit en Elle ne sera point confondu[1] ». En croyant en Elle, effectivement, on ne comptera plus sur cette justice qui vient de la loi, toute bonne que soit cette loi ; mais on accomplira la loi à l’aide de la justice octroyée par Dieu ; et c’est ainsi qu’on ne sera point confondu. Car la charité est la plénitude de la loi[2]. Mais par qui cette charité a-t-elle été répandue dans nos cœurs ? Ce n’est point par nous, à coup sûr, c’est par le Saint-Esprit, qui nous a été donné[3]. Les Juifs donc se sont heurtés contre la pierre d’achoppement et contre la pierre de scandale, et l’Apôtre dit d’eux : « Mes frères, les ardents désirs de mon cœur et mes supplications à Dieu ont pour objet leur salut ». Ainsi, l’Apôtre demande la foi pour ceux qui ne croient pas, et la conversion pour les impies ; ce qui prouve que la conversion même ne se produit pas sans la grâce. « Mes supplications à Dieu ont pour objet leur salut. Car je leur rends ce témoignage, qu’ils ont du zèle pour Dieu ». Lui aussi avait du zèle pour Dieu ; mais quel zèle ? Un zèle pareil au leur, un zèle qui n’était pas « selon la science ». Comment n’était-il pas selon la science ? C’est qu’ils ignoraient la justice de Dieu et voulaient établir la leur ». Aussi revenu de cet égarement l’Apôtre disait-il : « Je n’ai plus ma propre justice ». Eux veulent établir la leur, ils aiment encore à rester sur le fumier. Je n’ai plus, moi, ma justice, mais la justice que donne la foi au Christ, la justice qui vient de Dieu, oui, cette justice qui vient de Dieu qui justifie l’impie.

11. Sors, sors de toi-même, tu es pour toi un obstacle, et en t’élevant toi-même tu ne prépares que des ruines. Si le Seigneur ne bâtit la maison, c’est en vain qu’on se fatigue à la construire[4]. Garde-toi donc de chercher à acquérir ta propre justice. Oui la justice vient, elle doit venir de la loi donnée par Dieu ; mais puisqu’elle vient de la loi, quelle ne vienne pas de toi. C’est l’Apôtre qui le dit, et ce n’est pas à moi que doivent s’en prendre les amis de leur propre justice. Voilà le livre, ouvre lis, écoute, comprends. Ne cherche pas ta justice ; quoiqu’elle vienne de la loi, l’Apôtre la considère comme du fumier, dès qu’elle est la tienne. « Car en ignorant la justice de Dieu et en cherchant à établir la leur, ils ne sont point soumis à la divine justice[5] ». Ne t’imagine pas qu’étant chrétien tu ne saurais te heurter contre la pierre d’achoppement. Tu t’y heurtes, dès que tu dérobes quelque chose à la grâce. Et n’est-on pas plus coupable de se heurter contre le Christ sur son trône, que contre le Christ sur la croix ? Sois juste, mais par la grâce, par le secours de Dieu et non par toi. « Que vos prêtres soient revêtus de justice[6] ». On reçoit un vêtement, il ne naît pas avec les cheveux et il n’y a que les animaux qui naissent tout vêtus. Telle est la grâce que préconise l’Apôtre : tu dois l’attendre de Dieu. Gémis pour l’obtenir, crois et pleure afin que Dieu te la donne. « Celui qui invoquera le nom du Seigneur, sera sauvé, est-il écrit[7]. Remarque qu’il ne s’agit pas ici de la guérison de quelque mal corporel, tel que serait la fièvre, la peste, la goutte ou tout autre. Non « Celui qui invoquera le nom du Seigneur sera sauvé », c’est-à-dire qu’il sera justifié. Si le Seigneur a dit : « Le médecin n’est pas nécessaire à ceux qui se portent bien, mais aux malades », n’a-t-il pas expliqué sa pensée par ces autres paroles : « Je ne suis pas venu chercher les justes, mais les pécheurs[8] ? »

12. Aussi voyez ce que dit encore l’Apôtre : « Je voudrais avoir en lui, non pas ma justice, qui vient de la loi », car c’est toujours la mienne, « mais celle qui vient de Dieu », qui s’obtient de Dieu par la foi au Christ, « la justice de la foi, pour le connaître, ainsi que la vertu de sa résurrection ». Quel bonheur de connaître la vertu de la résurrection du Christ ! Êtes-vous étonnés qu’il ait ressuscité son corps ? Est-ce en cela que consiste la vertu de sa résurrection ?

  1. Rom. 9, 32-33
  2. Id. 13, 10
  3. Id. 5, 5
  4. Psa. 126, 1
  5. Rom. 10, 1-3
  6. Psa. 131, 16
  7. Jol. 2, 32
  8. Mat. 9, 12-13