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ni une personne à une autre personne, il s’ensuit que chacun porte son propre fardeau. Qu’on vienne donc maintenant, qu’on` vienne encore t’opposer Cécilien ; qu’on vienne l’opposer, non pas à un homme quel qu’il soit, mais à l’univers entier : n’est-ce pas opposer un innocent à des innocents ? Les Actes le démontreront avec la dernière évidence, car Cécilien a été complètement justifié. Suppose néanmoins qu’il ne l’ait pas été, suppose que sa culpabilité ait été constatée, l’univers entier rie répète-t-il pas avec toi ces paroles : « Une cause ne fait rien à une cause, ni une personne à une autre personne ? » O hérétique, ô incorrigible, ô cœur aigri, pourquoi accuser ton juge, quand tu te condamnes toi-même ? Si je, l’ai corrompu et amené à prononcer en ma faveur ; qui t’a corrompu, toi, et amené à te condamner ?

14. Si seulement ils faisaient un jour ces réflexions, s’ils les faisaient au moins plus tard et quand leurs cœurs aigris se seront désenflés ! s’ils rentraient en eux-mêmes, s’ils s’examinaient, s’ils s’interrogeaient et se répondaient sérieusement, si dans l’intérêt de la vérité ils ne redoutaient point les malheureux à qui ils ont vendu pendant si longtemps le mensonge ! Car ils craignent de les offenser ; ils ont peur de la faiblesse humaine et ils n’ont pas peur de l’invincible vérité. Ce qu’ils redoutent, c’est qu’on ne leur dise : Pourquoi donc nous avez-vous trompés ? Pourquoi nous avez-vous séduits ? Pourquoi nous avoir enseigné tant de funestes erreurs ? Avec quelque crainte de Dieu ils devraient répondre : S’égarer était une faiblesse humaine, demeurer dans l’erreur par animosité serait une méchanceté diabolique. Il vaudrait mieux ne nous être jamais égarés ; faisons au moins ce qui est bon encore, c’est de revenir de notre égarement. Nous vous avons trompés, parce que nous l’étions nous-mêmes ; nous vous avons enseigné l’erreur, parce que nous avions confiance à ceux qui nous l’avaient enseignée. Qu’ils disent à leurs partisans : Nous avons erré ensemble, revenons ensemble de l’erreur. Nous vous guidions vers le précipice et vous nous y suiviez ; c’est maintenant qu’il faut nous suivre, puisque nous vous conduisons vers l’Église. Voilà ce qu’ils pourraient dire. On les entendrait sans doute avec indignation et avec colère ; mais on finirait par se calmer et par se réconcilier, plus tard au moins, avec l’unité.

15. En attendant, mes frères, soyons patients à leur égard. Ils ont l’œil enflammé et enflé ne renonçons pas à les guérir ; gardons-nous avec soin de les aigrir davantage par des paroles de mépris ; expliquons-leur nos raisons avec douceur sans triompher orgueilleusement de la victoire. « Il ne faut pas qu’un serviteur de Dieu dispute, dit saint Paul, mais qu’il soit doux envers tous, capable d’enseigner, patient, reprenant modestement ceux qui pensent autrement que lui ; dans l’espoir que Dieu leur donnera l’esprit de pénitence et qu’ils se dégageront des filets du diable qui les tient captifs sous sa volonté[1] ». Ainsi donc supportez-les patiemment, si vous n’êtes pas malades ; supportez-les avec une patience proportionnée à votre santé. Qui jouit ici d’une santé parfaite ? Lorsque le Roi juste siégera sur son trône, qui se vantera d’avoir le cœur pur ? qui se vantera d’être sans péché[2] ? » Puisque nous avons tant d’infirmités encore, notre devoir n’est-il donc pas de supporter mutuellement nos fardeaux ? Tournons-nous avec un cœur pur, etc.

  1. 2Ti. 2, 24, 26
  2. Pro. 20, 8, 9