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de ces mêmes corps le temple de l’Esprit-Saint. Sur quoi maintenant vont tomber tes mépris ? Est-ce sur le Christ, dont tu es le membre, ou sur le Saint-Esprit, dont tu es le temple ? Cette infâme prostituée qui consent à faire le mat avec toi, tu n’oserais peut-être l’introduire dans ta chambre, dans ta chambre où est le lit conjugal ; aussi pour te vautrer dans la fange, cherches-tu dans ta demeure quelque lieu abject et infâme. Ainsi tu respectes le lit de ton épouse, et tu ne respectes pas le temple de ton Dieu ? Tu ne fais pas entrer une impudique dans le lieu où tu dors avec ta femme, et quoique tu sois le temple de Dieu, tu vas trouver toi-même la prostituée ? Le temple de Dieu pourtant me semble plus honorable que la chambre de ton épouse. D’ailleurs, où que tu ailles, Jésus te voit, lui qui t’a créé, lui qui t’a racheté quand tu étais vendu, lui qui est mort pour toi quand tu étais mort. Tu te méconnais, mais lui ne détourne pas de toi ses regards ; c’est pour te châtier, il est vrai, et non pour te venir en aide ; car c’est sur les justes que veillent les yeux du Seigneur, et c’est à leurs prières que s’ouvrent ses oreilles ». Pour glacer de terreur ceux qui se flattent d’une fatale sécurité et qui se disent : J’agirai, car Dieu dédaigne de remarquer ces actions ignobles, le Prophète ajoute immédiatement. Écoute-le, examine à qui tu appartiens, car Jésus te voit en quelque lieu que tu portes tes pas. Le Prophète ajoute donc : « Mais le Seigneur lance ses regards sur ceux qui font le mal, pour effacer de la terre jusqu’à leur souvenir[1] ». Et de quelle terre ? De celle dont il est dit : « Vous êtes mon espérance, mon héritage dans la terre des vivants[2] ».

3. N’y a-t-il pas ici quelque homme corrompu, impie, adultère, impudique et corrupteur qui s’applaudit de sa conduite, qui y vieillit sans laisser vieillir en lui la passion et qui se dit : Oui, il est bien vrai « que le Seigneur lance ses regards sur ceux qui font le mal, pour effacer de la terre jusqu’à leur souvenir ? » Me voici déjà vieillard ; depuis mon jeune âge jusqu’aujourd’hui je n’ai rien épargné, j’ai inhumé tant d’hommes chastes plus jeunes que moi, j’ai conduit les funérailles d’un si grand nombre d’hommes purs, à combien d’hommes sages n’ai-je pas survécu dans mon libertinage ? Pourquoi donc nous dire que le Seigneur lance ses regards sur ceux qui font le mal, afin d’effacer de la terre jusqu’à leur souvenir ? » – C’est qu’il est une autre terre où il n’y a pas d’impudique, une autre terre où Dieu règne en personne. « Ne vous abusez point : ni les fornicateurs, ni les idolâtres, ni les adultères, ni les efféminés, ni les  abominables, ni les --voleurs, ni les avares, ni les ivrognes, ni les médisants, ne posséderont le royaume de Dieu ». C’est ainsi qu’il effacera de la terre jusqu’à leur souvenir. Tout en s’abandonnant à ces crimes, beaucoup se font illusion ; or, à cause de ces malheureux qui vivent abominablement et qui espèrent encore le royaume de Dieu, où ils n’entreront pas, il est écrit : « Il effacera de la terre jusqu’à leur souvenir ». Il y aura pour la demeure des justes un nouveau ciel et une terre nouvelle. Mais là ne pourront habiter ni impies, ni méchants, ni débauchés. Toi qui te reconnais ici, choisis où tu voudrais demeurer, quand le temps te permet encore de pouvoir changer.

4. Car il y a deux habitations : l’une au milieu des feux éternels, et l’autre dans l’éternel royaume. Sans doute on sera tourmenté différemment dans les flammes éternelles ; on y sera pourtant, et pour y être tous tourmentés, quoique à des degrés divers. N’est-il pas écrit que Sodome, au jour du jugement, sera traitée d’une façon plus tolérable que quelque autre cité[3] ; et que plusieurs parcourent la mer et la terre pour faire un prosélyte, qu’ils rendent ensuite digne de l’enfer deux fois plus qu’eux-mêmes[4] ? Figure-toi que l’un est torturé deux fois plus que l’autre, que les uns le sont moins et les autres davantage, ce n’est pourtant pas un séjour à choisir pour toi. Les moindres tourments y sont plus effroyables que les plus redoutés par toi dans ce siècle. De quel tremblement ne serais-tu pas saisi, si tu te voyais accusé pour être jeté dans les cachots ; et tu es assez ennemi de toi-même pour mériter par ta conduite d’être jeté dans les flammes ? Je te vois frissonner, te troubler, pâlir, courir à l’église, demander à voir l’évêque, te prosterner à ses pieds. Il te demande pourquoi. Sauvez-moi, lui réponds-tu. – Qu’y a-t-il ? – Un tel m’accuse injustement. – Que prétend-il contre toi ? – Seigneur,

  1. Psa. 33, 16-17
  2. Psa. 141, 6
  3. Mat. 10, 15
  4. Id. 23, 15