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2. Une mère y perdit son fils malade, pendant que catéchumène encore et encore à la mamelle elle le tenait sur ses genoux. En le voyant mort et perdu irréparablement, elle éclata en sanglots, plutôt comme chrétienne que comme mère. Elle ne regrettait pour son fils que la vie du siècle futur ; ce n’est point la perte de la vie présente qu’elle regrettait en lui pour elle-même. Animée tout à coup d’une vive confiance, elle prend ce petit mort, court à la mémoire de saint Étienne, se met à réclamer son fils et à dire : Saint martyr, vous voyez qu’il ne me reste plus aucune consolation. Je ne puis dire que mon fils m’a précédé, puisque vous savez qu’il est perdu. Vous voyez pourquoi je le pleure. Rendez-moi mon fils, faites que je le possède sous les yeux de Celui qui vous a couronné. Pendant que suppliante elle prononçait ces mots et d’autres semblables, pendant que ses larmes le réclamaient, comme je l’ai dit, plutôt qu’elles ne le demandaient, cet enfant revint à la vie. Mais comme elle avait dit : Vous savez pourquoi je le redemande, Dieu voulut montrer que telles étaient bien les dispositions de son cœur. Sans perdre un instant, elle le porta aux prêtres : il fut baptisé, sanctifié ; il reçut l’onction sainte et l’imposition des mains, puis, tous les rites achevés, il rendit l’esprit. La mère ensuite assista à son convoi, ayant plutôt l’air de le conduire dans le sein du martyr Étienne qu’au repos du sépulcre. Après avoir fait là un miracle de cette nature par l’entremise de son martyr, Dieu ne pouvait-il, là aussi, guérir ces enfants ? Et pourtant c’est à nous qu’il les a amenés. Unis au Seigneur, etc.


SERMON CCCXXV. FÊTE DES VINGT MARTYRS[1]. IMITATION DES MARTYRS.

ANALYSE. – Les hommages que nous rendons aux martyrs ne sauraient leur profiter, c’est à nous qu’ils sont utiles en nous excitant à les imiter. Or, la gloire des martyrs ne vient pas précisément de ce qu’ils ont souffert, mais du motif pour lequel ils ont souffert. Donc occupons-nous avant tout de prendre le bon parti, le parti de l’Église catholique.

1. Dans une solennité consacrée aux saints martyrs, nous vous devons un discours ; nous allons nous acquitter. Mais pour parler de la gloire des martyrs, pour exposer la justice de leur cause, nous avons besoin qu’ils nous aident de leurs prières. La première pensée que doit se rappeler votre sainteté en célébrant la fête des martyrs, c’est que les martyrs n’ont rien à retirer des honneurs solennels que nous leur rendons. Ils n’ont aucun besoin de nos solennités, car ils goûtent au ciel la joie des anges ; et s’ils prennent part à nos réjouissances pieuses, ce n’est pas en se voyant honorés, c’est en se voyant imités par nous. Il est vrai pourtant que si nos hommages ne leur profitent pas, ils nous sont utiles. Mais si nous les honorions sans les imiter, ce serait simplement une adulation menteuse. Pourquoi donc ces sortes de fêtes sont-elles établies dans l’Église du Christ ? C’est pour rappeler aux membres assemblés du Christ la nécessité de prendre pour modèles ses martyrs. Tel est assurément l’avantage procuré par ces fêtes, il n’en est pas d’autre. Si, en effet, on nous propose Dieu même à imiter, la fragilité humaine répond que c’est trop pour elle de se modeler sur Celui à qui rien ne saurait se comparer. Nous propose-t-on ensuite l’imitation des exemples de Notre-Seigneur Jésus-Christ, car si, étant Dieu il s’est revêtu d’une chair mortelle, c’était tout à la fois

  1. Voir Cité de Dieu, liv. 22, chap. VIII.