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en avait reçu, elle courait le maudire. Voyant que la fureur de cette pauvre mère lui donnait dans son cœur un facile accès, l’ennemi lui persuada alors de maudire tous ses enfants. Enflammée par ce conseil infernal, elle se prosterna près des fonts sacrés, et appuyée sur eux, les cheveux épars, la poitrine découverte, elle demanda instamment à Dieu que, sortis de notre pays et errants par toute la terre, nous fussions par notre exemple un objet de terreur pour le genre humain.

La vengeance céleste suivit de près les supplications maternelles. Soudain, en effet, ce frère aîné qui l’emportait sur nous par la culpabilité comme par l’âge, fut pris dans ses membres d’un tremblement aussi violent que celui dont votre Sainteté a été témoin en moi, il y a trois jours encore. Tous ensuite, dans le courant de l’année, et par ordre de naissance, nous fûmes frappés du même, châtiment. Quand elle vit avec quelle efficacité s’étaient accomplies ses malédictions, notre mère ne put soutenir plus longtemps les remords de son impiété ni l’opprobre public, et se serrant la gorge avec une corde, elle termina sa déplorable vie par une fin plus déplorable encore. Tous alors nous sortîmes, et incapables de porter le poids de notre honte, nous quittâmes notre commune patrie pour nous disperser de côté et d’autre. De dix enfants que nous sommes, le second par rang d’âge a mérité, avons-nous appris, de recouvrer la santé près de la mémoire du glorieux martyr saint Laurent, qui vient d’être établie à Ravenne. Pour moi, qui suis le sixième par ordre de naissance, accompagné de ma sœur, qui vient immédiatement après moi, et enflammé d’un désir immense de recouvrer la santé, je ne cessais d’aller dans toutes les parties de l’univers, partout où j’apprenais qu’il y avait des lieux sacrés où Dieu faisait des miracles. Et pour ne rien dire des autres fameux sanctuaires consacrés aux saints de Dieu, je suis allé dans mes courses vagabondes jusques à Ancône, en Italie, parce que Dieu t’opère de nombreux prodiges par l’entremise du glorieux martyr saint Étienne. Nulle part, toutefois, je n’ai pu trouver ma guérison, parce que le Seigneur, dans sa prédestination divine, me la réservait pour ici. Je n’ai pas manqué non plus d’aller à Uzale, ville d’Afrique, où l’on publie que ce bienheureux martyr Étienne fait des actions merveilleuses.

Cependant, il y a plus de trois mois, le jour même des calendes de janvier, nous fûmes avertis, moi et ma sœur que vous voyez ici encore en proie au même mal, par une vision incontestable. Un vieillard, vénérable par la sérénité de sa physionomie et par la blancheur de ses cheveux, m’assura que dans trois mois me serait rendue la santé désirée par moi si vivement. Ma sœur même, dans cette vision, vit votre Sainteté sous les dehors que nous contemplons maintenant ; ce qui nous fit entendre que nous devions venir ici. Moi aussi, dans la suite, je voyais, dans les autres villes que nous traversions en venant, votre Béatitude absolument telle que je la vois aujourd’hui. Fidèles ainsi à cet avertissement incontestablement divin, nous arrivâmes dans cette cité, il y a environ quinze jours. Que ne souffrais-je pas ? Vos yeux ont pu le remarquer, vous pouvez le voir encore dans cette sœur infortunée qui vous montre, pour l’instruction de tous, le mal que tous nous endurions. Vous donc qui observez en elle le triste état où j’étais, reconnaissez quel changement le Seigneur a produit en moi par son Esprit-Saint.

Chaque jour je priais, en répandant des larmes abondantes, dans le lieu où se trouve la mémoire du glorieux martyr Étienne. Le jour même de Pâques, comme l’ont remarqué ceux qui étaient présents, pendant que je priais en fondant en pleurs et en me tenant à la grille, je tombai tout à coup. Hors de moi-même, j’ignore où j’étais. Un peu après je me relevai et je ne remarquai plus dans mon corps cet affreux tremblement.

C’est pour remercier Dieu d’un si grand bienfait que j’ai présenté cette relation, où j’ai fait entrer et ce que vous ne saviez pas de nos malheurs, et ce que vous saviez de ma guérison parfaite ; afin de vous engager à daigner prier pour ma sœur et rendre grâces à Dieu pour moi.