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qu’on attendait ; l’arrhe ainsi n’est qu’une partie de ce qui était promis. Que chacun donc rentre dans son cœur et examine si c’est du fond de son âme, si c’est avec un amour sincère qu’il crie : « Père ». Il ne s’agit pas de savoir pour le moment quelle est l’étendue de ta charité, si elle est grande, petite ou moyenne, mais de savoir au moins si tu en as. Si tu en as, elle grandira secrètement, en grandissant elle se perfectionnera, et une fois parfaite, elle subsistera ; car une fois parfaite elle ne vieillit pas pour aller de la vieillesse à la mort ; mais quand elle se perfectionne, c’est pour subsister éternellement. Écoute en effet ce qui suit. « Nous crions : Abba, Père. C’est l’Esprit même qui rend à notre esprit le témoignage que nous sommes enfants de Dieu ». Ce n’est pas notre esprit qui rend à notre esprit le témoignage que nous sommes enfants de Dieu : c’est l’Esprit même de Dieu, c’est l’arrhe qui nous garantit l’exécution de la promesse. « L’Esprit même rend à notre esprit le témoignage que nous sommes enfants de Dieu ».

17. « Or, si nous sommes enfants, nous sommes aussi héritiers ». On ne porte pas en vain le nom d’enfants ; on est récompensé, la récompense est l’héritage. N’avais-je pas raison de vous dire tout à l’heure que non content de nous donner la santé, notre médecin daigne encore nous offrir une récompense pour nous l’avoir donnée ? En quoi consiste cette récompense ? A être ses héritiers. Héritage bien différent des héritages humains ! Un père ne fait que laisser à ses enfants, il ne possède pas conjointement avec eux ; et pourtant il croit faire beaucoup, il veut qu’on le remercie d’avoir voulu donner ce qu’il ne pourrait emporter. Que pourrait-il emporter en mourant ? S’il le pouvait, laisserait-il ici quoique ce fût à sa famille ? Mais c’est Dieu même qui est l’héritage de ses héritiers ; aussi est-il dit de lui dans un psaume : « Le Seigneur est ma part d’héritage[1] ». Oui, héritiers de Dieu » ; si pour vous ce n’est pas assez, voici ce qui mettra le comble à votre joie : « héritiers de Dieu, et cohéritiers du Christ ». Tournons-nous avec un cœur pur, etc.


SERMON CLVII. CLVII.
L’ESPÉRANCE CHRÉTIENNE[2].

ANALYSE. – L’espérance chrétienne demande que, détachés des choses présentes, nous fixions nos regards sur les biens futurs. Il est vrai, il faut pour cela courage et patience ; mais la vue de la gloire du Sauveur ne nous dit-elle point le sort heureux qui nous attend, si nous sommes fidèles à imiter ses exemples ? Il est vrai encore, les mondains se rient de notre espérance et nous vantent leur bonheur ; mais est-il rien de plus fugitif, de plus incertain et de plus vain que leurs plaisirs ? D’un autre côté, combien d’événements dont nous sommes témoins nous garantissent la fidélité avec laquelle Dieu réalisera les promesses qu’il nous a faites ?

1. Votre sainteté se rappelle, mes très-chers frères, que l’Apôtre a dit : « C’est en espérance que nous avons été sauvés. Or, continue-t-il, « l’espérance qui se voit n’est pas de l’espérance, comment en effet espérer ce qu’on voit ? Or, si nous espérons ce que nous ne voyons pas encore, nous l’attendons avec patience ». Ici donc le Seigneur notre Dieu nous invite à vous adresser quelques paroles d’encouragement et de consolation. C’est à lui que nous disons dans un psaume : « Vous êtes mon espérance, mon partage dans la terre des vivants[3] ». Lui donc qui est notre espoir dans la terre des vivants, nous ordonne de vous exciter, dans la terre des mourants, à ne pas fixer vos regards sur ce qui se voit, mais

  1. Psa. 15, 5
  2. Rom. 8, 24-25
  3. Psa. 141, 6