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aux gentils les avantages de la foi. C’est par la foi qu’on obtient la grâce d’accomplir la loi ; ce n’est pas par la loi, c’est par la foi qu’on en obtient la force. Si l’Apôtre insiste si fréquemment sur cette vérité, c’est qu’il était en face des Juifs qui étaient fiers d’avoir la loi et qui s’imaginaient que le libre arbitre leur suffisait pour l’accomplir. Or, en croyant ainsi que le libre arbitre suffisait pour accomplir la loi, « ils ne connaissaient pas la justice de Dieu », ils ignoraient qu’elle vient de Dieu par la foi ; « ils voulaient de plus établir la leur », se persuader qu’ils ne la devaient qu’à eux-mêmes et qu’ils ne l’avaient pas obtenue en la demandant avec foi : « Ainsi, concluait l’Apôtre, ils ne sont pas soumis à la justice de Dieu. Car le Christ est la fin de la loi, pour justifier tous ceux qui croiront[1] ». Or en traitant ainsi ce sujet, il se fait cette objection : « A quoi donc sert la loi ? » Quelle est son utilité ? Et il répond : « Elle a été établie à cause des transgressions ». En d’autres termes, comme il s’exprime ailleurs, « la loi est entrée pour multiplier le péché ». Mais aussi, poursuit-il : « Où a abondé le péché, a surabondé la grâce[2] ». Le mal semblait trop léger et on dédaignait de recourir aux remèdes ; le mal s’est aggravé et on est allé chercher le médecin. « À quoi donc sert la loi ? Elle a été établie à cause des transgressions », pour abaisser la fierté de ces esprits superbes qui présumaient trop d’eux-mêmes et qui avaient de leur volonté une idée si haute, qu’ils croyaient leur libre arbitre suffisant pour les rendre justes. Hélas ! néanmoins, lorsqu’au sein du paradis terrestre cette liberté était encore dans toute sa force, n’a-t-elle pas montré de quoi elle était capable, capable de tomber et non de se relever ? Ainsi donc la loi a été établie en vue des transgressions jusqu’à ce que vînt le rejeton pour lequel Dieu avait fait la promesse, remise par les anges dans la main d’un médiateur ».

5. « Or un médiateur ne l’est pas pour un seul, et Dieu est seul[3] ». Que signifie : « Un médiateur ne l’est pas pour un seul ? » Que nul ne peut être médiateur qu’entre deux. Or si Dieu est seul, si de plus on ne peut être médiateur pour un seul, entre Dieu et entre quoi cherchons-nous un médiateur ? Que veut donc dire : « Un médiateur ne l’est pas pour un seul ? » L’Apôtre va nous l’apprendre, car ailleurs il dit : « Il n’y a qu’un Dieu et qu’un médiateur entre Dieu et les hommes, « Jésus-Christ fait homme[4] ». Ah ! si tu n’étais pas tombé, un médiateur ne te serait pas nécessaire ; mais comme tu es à terre sans pouvoir te relever, Dieu t’a en quelque sorte offert son propre bras pour médiateur. « Ce bras du Seigneur, pour qui s’est-il révélé[5] ? » Mais aussi que personne ne s’avise de dire Puisque nous ne sommes plus sous la loi, mais sous la grâce, péchons à notre gré et faisons ce qui nous plaît. Parler ainsi, c’est aimer la maladie et non la santé. La grâce est un remède ; vouloir être toujours malade, c’est dédaigner ce remède. « Aussi, mes frères », après avoir reçu ce remède divin, après que Dieu, du haut du ciel, nous offre son secours, son bras sacré avec l’assistance de l’Esprit-Saint, « nous ne sommes pas redevables à la chair pour vivre selon la chair ». La foi d’ailleurs ne saurait faire le bien que par la charité, et c’est à ce titre que la foi des fidèles se distingue de celle des démons, qui croient et qui tremblent[6]. Ainsi la foi digne d’éloges, la vraie foi inspirée par la grâce est celle qui agit par amour. Or, pour faire ainsi le bien par amour, pouvons-nous nous procurer cet amour à nous-mêmes et n’est-il pas écrit : « La charité a été répandue dans nos cœurs par l’Esprit-Saint qui nous a été donné[7] ? » La charité est tellement un don de Dieu, que Dieu en porte le nom. « Dieu est charité, dit l’apôtre saint Jean, et celui qui demeure dans la charité demeure en Dieu et Dieu en lui[8] ».

6. « Ainsi donc, mes frères, nous ne sommes pas redevables à la chair pour vivre selon la chair. Car si vous vivez selon la chair, vous mourrez ». Non pas que la chair soit mauvaise par nature, puisqu’elle aussi est l’œuvre de Dieu, formée par Dieu aussi bien que l’âme, sans être plus qu’elle une partie de Dieu, mais son œuvre comme elle. Non, la chair n’est pas mauvaise par nature ; ce qui est mauvais, c’est de vivre selon la chair. Dieu est souverainement bon, parce qu’il est l’Être souverain, comme il le dit dans ces mots : « Je suis l’Être[9] ». Dieu donc est souverainement bon ; l’âme

  1. Rom. 10, 3, 4
  2. Rom. 5, 20
  3. Gal. 3, 19-20
  4. 1Ti. 2, 5
  5. Isa. 53, 1
  6. Jac. 2, 19
  7. Rom. 5, 5
  8. 1Jn. 4, 16
  9. Exo. 3, 14