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implorons le Sauveur. Or, que lui demanderons-nous ? De nous donner une loi ? C’est trop peu ; « car si la loi qui a été accordée avait pu donner la vie, la justice viendrait sûrement de la loi ». Mais si la loi octroyée ne pouvait communiquer la vie, pourquoi l’avoir donnée ? L’Apôtre continue ; il dit dans quel but elle a été promulguée, et il fait entendre que tout utile que fût la loi, tu ne dois pas te croire guéri par elle. « Si donc », dit-il, « la loi qui a été octroyée avait pu donner la vie, la justice viendrait sûrement de la loi ». Puis, comme si nous demandions Alors, à quoi bon la loi ? « l’Écriture, poursuit-il, a tout enfermé sous le péché, afin que les divines promesses fussent accomplies par la foi en Jésus-Christ en faveur de ceux qui croiraient[1] ». A ce mot de promesses, attends Celui qui les réalisera. La nature humaine a bien pu se blesser avec son libre arbitre ; mais une fois blessée et meurtrie elle ne saurait se guérir avec lui. Pour vivre dans l’intempérance et te rendre malade, tu n’as que faire de médecin, tu te suffis quand il s’agit de te faire du mal ; mais une fois ta santé perdue dans l’intempérance, il ne t’est pas aussi facile de la rétablir qu’il t’a été facile de la ruiner dans la débauche. Que dis-je ? lors même qu’on se porte bien, le médecin ne prescrit-il pas encore la sobriété ? Oui, s’il est bon médecin, il ne veut pas que la maladie vienne le rendre nécessaire. C’est ainsi qu’après avoir créé l’homme sans mauvais penchant, le Seigneur notre Dieu daigna lui recommander la tempérance, et si l’homme eût été fidèle à l’observer, il n’aurait pas eu besoin ensuite d’appeler le médecin. Hélas ! pour ne l’avoir pas gardée, il est tombé malade, et malade il a créé, ou plutôt engendré d’autres malades. Dans tous ceux qui naissent ainsi malades, néanmoins, Dieu ne laisse pas de faire tout ce qu’il y a de bon : c’est lui qui donne au corps la forme et la vie, qui le nourrit et qui répand la pluie et le soleil sur les bons et sur les méchants ; les méchants eux-mêmes n’ont pas à se plaindre de sa bonté. De plus il n’a pas voulu laisser abîmé dans l’éternelle mort le genre humain, tout justement, qu’il y fût condamné par lui-même ; il lui a envoyé un médecin, un Sauveur, pour le guérir gratuitement, pour nous récompenser même après nous avoir gratuitement guéris. Que se peut-il ajouter à tant de bonté ? Voit-on un homme pour dire : Laisse-moi te guérir et je te paierai ? Ah ! il n’a pris conseil que de son cœur ; il savait bien en venant à nous qu’il était riche et que nous étions pauvres. Aussi nous guérit-il de nos maux, et après nous avoir guéris nous fait-il un don qui n’est autre que lui-même, se montrant ainsi notre médecin quand nous sommes malades, et notre récompense quand nous sommes guéris.

3. « Ainsi donc, mes frères », c’est la lecture d’aujourd’hui, « nous ne sommes point redevables à la chair pour vivre selon la chair ». C’est pour n’y pas vivre que nous avons reçu le secours de Dieu, l’Esprit de Dieu, et qu’au milieu de nos travaux de chaque jour nous sollicitons sa grâce. La loi menace, la loi ne donne pas la force de faire ce qu’elle commande ; ainsi elle assujettit, elle ne communique pas la grâce. « Elle est bonne pourtant lorsqu’on en fait bon usage [2] ». Qu’est-ce qu’en faire bon usage ? Ç’est avec elle constater de quelles infirmités on est atteint et implorer, pour guérir, l’assistance du ciel. Car, je l’ai déjà dit et je ne saurais trop le redire, « si la loi pouvait donner la vie, la justice viendrait entièrement de la loi » ; alors il n’eût pas fallu chercher de Sauveur, le Christ ne serait point descendu et il n’aurait pas racheté au prix de son sang ses brebis égarées. Voici en effet ce que dit ailleurs le même Apôtre : « Si la justice venait de la loi, il s’ensuivrait que le Christ serait mort inutilement[3] ». Mais à quoi sert-elle, quel avantage nous en revient ? « L’Écriture, dit saint Paul, a tout compris sous le péché, afin que les promesses fussent accomplies en faveur des croyants par la foi en Jésus-Christ. Aussi, ajoute-t-il, la loi nous a-t-elle servi de pédagogue vers Jésus-Christ[4] ». Remarquez cette comparaison, elle explique ma pensée. Un pédagogue ne garde pas l’enfant près de lui, il le conduit au maître ; et l’enfant, quand son éducation est accomplie, n’est plus sous l’autorité de son pédagogue.

4. L’Apôtre traite encore ailleurs le même sujet, car il y revient fort souvent. Si seulement il n’avait pas affaire à des sourds ! Souvent donc il revient sur ce sujet et recommande

  1. Gal. 3, 21-22
  2. 1Ti. 1, 8
  3. Gal. 2, 21
  4. Id. 3, 24