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ceux qui cherchent Dieu, ceux qui aspirent à voir la face du Dieu de Jacob[1] ». Cherchez ce bonheur avec humilité, car en le trouvant vous parviendrez à une grandeur qui n’expose à aucun danger. L’enfance consistera pour vous dans l’innocence, le premier âge dans le respect, l’adolescence dans la patience, la jeunesse dans la force, l’âge mûr dans le mérite, et votre vieillesse ne sera autre chose qu’une sereine et sage intelligence. En traversant ces parties ou plutôt ces degrés de la vie tu n’as point à changer de place, tu te renouvelles en occupant toujours la même. On ne voit point le second âge pousser le premier pour lui succéder, le troisième se lever pour abattre le second, ni naître le quatrième pour donner la mort au troisième ; le cinquième ne porte point envie au quatrième pour pouvoir subsister, et le sixième n’ensevelira point le cinquième. Quoique tous ces âges n’arrivent pas en même temps, rien n’empêche qu’ils demeurent tous en paix dans une âme pieuse et justifiée, et c’est ainsi qu’ils te conduiront au septième, c’est-à-dire au repos et à la paix éternelle. Délivré jusqu’à six fois des misères de l’âge funeste, au septième âge, est-il écrit, le mal ne pourra plus t’atteindre[2]. Comment attaquerait-il, puisqu’il n’existera plus ? et comment triompherait-il, puisqu’il n’osera même pas se montrer ? Alors donc on jouira d’une immortalité paisible et d’une paix immortelle.

9. Et d’où viendra cette félicité, sinon du changement imprimé par la droite du Très-Haut, du Très-Haut qui bénira tes fils dans ton enceinte et qui te donnera la paix pour frontières[3] ? Soyez donc remplis d’ardeur pour l’obtenir, vous qui êtes à la fois unis et séparés, unis aux bons et séparés des méchants, élus, bien-aimés, prédestinés, appelés, mais qui avez besoin d’acquérir encore la sainteté et la gloire ; croissez, grandissez, vieillissez dans la foi et dans la maturité des forces ; il n’est pas question ici de l’affaiblissement du corps, mais d’une vieillesse pleine de vigueur, et annoncez en paix les œuvres du Seigneur qui a fait pour vous de grandes choses, qui est tout-puissant, dont le nom est grand et dont la sagesse est incommensurable. Vous cherchez la vie ? Courez à Celui qui en est la source, et après avoir dissipé les ténèbres produites par la fumée de vos passions, vous contemplerez la lumière à la lumière du Fils unique du Père, de votre Rédempteur plein de clémence, du brillant soleil de justice. Vous cherchez le salut ? Espérez en Celui qui sauve ceux qui se confient en lui[4]. Il vous faut de l’ivresse et des délices ? Il ne vous les refusera même pas ; seulement venez et adorez, prosternez-vous et gémissez devant Celui qui vous a créés[5] ; c’est ainsi qu’il vous enivrera de l’abondance de sa maison, et qu’il vous abreuvera au torrent de ses délices[6].

10. Mais prenez garde que le pied du superbe ne vous heurte ; ayez soin que la main des pécheurs ne vous ébranle pas[7]. Pour échapper au premier malheur, priez Dieu de vous purifier de vos péchés secrets ; et pour n’être ni renversés ni abattus par le second, demandez d’être préservés de la malice des étrangers [8] ; âmes tombées, levez-vous ; levez-vous pour vous tenir debout ; tenez-vous debout pour résister ; et résistez avec persévérance. Au lieu de porter le fardeau plus longtemps, rompez leurs chaînes et secouez leur joug[9], et ne vous laissez plus imposer de servitude. « Le Seigneur est proche, ne vous inquiétez de rien[10] ». Mangez maintenant le pain de la douleur ; viendra le moment où après avoir mangé ce pain de douleur vous recevrez en partage le pain de la joie. Mais pour mériter l’un il faut d’abord manger l’autre avec patience. C’est en te détournant et en t’éloignant de Dieu que tu as mérité ce pain de larmes ; reviens avec componction sur tes pas et te rapproche de ton Seigneur. À qui revient à lui avec componction, il est prêt à donner de nouveau le pain de la joie ; mais n’use pas de dissimulation et ne diffère pas dans ta misère de demander avec larmes pardon de ta fuite, Au milieu d’afflictions si multipliées, revêtez-vous du cilice et par le jeûne humiliez vos âmes. L’humilité recouvre ce qu’a perdu l’orgueil. Il est vrai pourtant, au moment de votre examen, quant au nom tout-puissant et redoutable de l’auguste Trinité, des imprécations méritées étaient lancées sur ce transfuge qui entraîne à la fuite et à la désertion, vous n’étiez pas couverts du cilice : mais vos pieds marchaient en quelque sorte sur lui.

11. Il faut en effet fouler aux pieds les vices, dont les peaux de chèvres sont le symbole mettre

  1. Psa. 23, 6
  2. Job. 5, 19
  3. Psa. 147, 14
  4. Psa. 16, 7
  5. Psa. 94, 6
  6. Psa. 35, 9
  7. Id. 12
  8. Psa. 18, 13-14
  9. Psa. 2, 3
  10. Phi. 4, 5-6