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Jacob ; car ce patriarche eut la jambe blessée et comme paralysée[1], pour figurer d’avance la multitude de ses descendants qui s’écarteraient de ses voies. Voyez au contraire, dans la sainte muraille formée par leur nation pour s’unir à la pierre angulaire, ceux qui représentent la personne génie de Jacob ; car Jacob était à la fois boiteux et béni ; boiteux pour désigner les réprouvés, béni pour figurer les saints. Voyez donc dans cette sainte muraille la foule qui précédait et qui suivait l’âne monté par le Sauveur, en s’écriant : « Béni Celui qui vient au nom du Seigneur[2] ». Pensez aux disciples choisis parmi ce peuple et devenus les Apôtres. Pensez à Étienne, dont le nom grec signifie couronne et qui reçut le premier, après la Résurrection, la couronne du martyre. Pensez à tant de milliers d’hommes qui sortirent des rangs des persécuteurs, après la descente du Saint-Esprit, pour devenir des croyants. Pensez à ces églises dont l’Apôtre parle ainsi : « J’étais inconnu de visage aux églises de Judée attachées au Christ. Seulement elles avaient ouï dire : Celui qui autrefois nous persécutait annonce maintenant la foi qu’il s’efforçait alors de détruire ; et elles glorifiaient Dieu à mon sujet[3] ». Telle est l’idée qu’il faut se former de la muraille d’Israël pour la rapprocher de cette muraille de la Gentilité qui se voit partout ; on comprendra ainsi que ce n’est pas sans raison que les Prophètes ont représenté d’avance Notre-Seigneur comme la pierre angulaire de l’étable où elle fut posée d’abord, cette pierre s’est élevée jusqu’au haut des cieux.


SERMON CCV. POUR LE CARÊME. I. LE CRUCIFIEMENT CHRÉTIEN.

ANALYSE. – Le chrétien doit en tout temps crucifier ses vices et ses convoitises, être attaché à la croix avec Jésus-Christ pour ne tomber pas dans la boue ; mais c’est surtout en carême qu’il doit se crucifier de la sorte. Bonnes œuvres spéciales et détaillées auxquelles saint Augustin demande qu’on se livre. Indications intéressantes pour la discipline et les mœurs de l’antichrétienne.

1. Voici, aujourd’hui même, le retour solennel des observances quadragésimales, et aujourd’hui encore nous devons, comme chaque année, vous adresser la parole. Nourris ainsi par notre ministère d’un aliment spirituel et divin pendant que vous pratiquerez le jeûne corporel, votre cœur pourra livrer le corps à la mortification extérieure et en supporter le travail avec plus d’énergie. La piété même ne demande-t-elle pas de nous qu’à la veille de célébrer la Passion et le crucifiement de Notre-Seigneur, nous nous fassions à nous-mêmes une croix pour y attacher les passions charnelles ? « Ceux qui appartiennent à Jésus-Christ, dit l’Apôtre, ont crucifié leur chair avec ses passions et ses convoitises[4] ». Il est vrai que durant tout le cours de cette vie, harcelée par des tentations continuelles, le chrétien doit être constamment attaché à la croix ; jamais il n’y a de moment pour arracher les clous dont il est dit dans un psaume : « Que votre crainte enfonce ses clous dans mes chairs[5] ». Les chairs sont ici les convoitises charnelles ; les clous désignent les préceptes de justice que fait pénétrer en nous la crainte de Dieu, en nous attachant à la croix

  1. Gen. 32, 25
  2. Mat. 21, 9
  3. Gal. 1, 22-24.
  4. Gal. 5, 24
  5. Psa. 118, 120